Voyage musical au centre de la Terre

Le calcaire (à gauche) et l’asphalte (à droite) produisent une acoustique particulière. (Photo: Dario Mercolli)

Les galeries minières de la Presta au Val de Travers ont accueilli le 19 octobre une performance musicale inédite. Un concert, plongé dans le froid et l’obscurité, s’est déroulé dans cet environnement aux qualités acoustiques hors du commun. Immersion.

Extraits du concert « Musique des mines » :

(Crédits : B. Gysin, S. Schildknecht, F. Näf, J.-J. Knutti, J.-C. Groffe)

« Est-ce que vous avez tous reçu une lampe de poche ? », lance Beat Gysin, le compositeur à l’origine du projet, aux visiteurs présents devant lui. Là, à l’entrée des mines de la Presta, une vingtaine de spectateurs s’équipent d’un casque. Ils sont prêts à assister à une performance musicale inédite au cœur de la montagne.

L’acoustique de l’asphalte

Après les Salines de Bex et la mine de fer de Gonzen, le compositeur bâlois a déposé ses instruments dans le Val de Travers. L’objectif de son projet est d’explorer l’interaction entre la musique et l’espace qui l’accueille. Concrètement, il adapte l’exécution de sa composition aux caractéristiques de chaque mine.

 À la Presta, la particularité acoustique réside dans sa composition géologique. Lorsque les spectateurs s’enfoncent dans la galerie triangulaire, on remarque sur la gauche une paroi de calcaire. À droite, l’asphalte brille sous les faisceaux lumineux des spectateurs qui scrutent la galerie.  « L’asphalte absorbe et diffuse le son dans la roche, tandis que le calcaire rejette et résonne beaucoup plus. Vous entendez? », avance le compositeur en frappant le mur avec un petit caillou trouvé par terre. « Dans la galerie, il y a donc trois parois différentes, une en calcaire, une en asphalte et enfin le sol, ce qui crée une acoustique intéressante. »

Concert Mines 3
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Concert Mines
Galerie Mine Presta
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Jouer avec l’écho

Arrivés au bout de la galerie, les spectateurs sont invités à s’asseoir sur de petits tabourets pliables. Derrière le public, la grotte court sur une centaine de mètres. Le concert va commencer. Cliquetis de bouche. Frottements de cailloux. Le son des appeaux semble s’enfuir derrière le public.

L’expérimentation musicale exploite aussi la morphologie du lieu. « Une mine a la forme d’un long tuyau, donc l’acoustique est très différente de celle d’une salle de concert. Lorsqu’on écrit une composition pour un lieu pareil, on cherche des moments musicaux lors desquels on va jouer avec la longueur de la cave. Par exemple, on va chanter et s’éloigner du public, on appelle cela un morendo acoustique. Ici, on arrive encore à l’entendre après une minute, en raison du très bon écho », nous explique le compositeur rhénan.

« Si on veut entendre le silence, il faut être plongé dans le noir. »

Beat Gysin, compositeur

« Entendre le silence »

Après environ une heure de spectacle, la lumière s’estompe. On ne voit plus que le visage des chanteurs, rétroéclairés par la tablette qui leur sert de partition. Progressivement, le public est plongé dans le noir complet. Le silence s’installe. Ou presque, le bruit des respirations résonne encore. S’il est possible de créer une telle ambiance, c’est parce que la performance exploite à part entière le silence et l’obscurité des galeries : « Ce que je cherche, ce sont les moments totalement calmes. Mais sans obscurité, on ne peut pas profiter du calme, parce qu’intuitivement, on commence à regarder autour de soi. Si on veut entendre le silence, il faut être plongé dans le noir », éclaire Beat Gysin.

Les lampes torches se rallument pour signaler que le concert touche à sa fin. Sur le chemin de la sortie, les spectateurs murmurent leurs premières impressions. Une chose est sûre, pour apprécier ce concert aux allures d’expérience scientifique, il fallait s’intéresser à la physique du son.

Vivez cette immersion dans notre reportage vidéo :

Par Dario Mercolli
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « écritures informationnelles », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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