Alors que toutes les gares vaudoises devraient être accessibles fin 2023 en vertu de la loi fédérale sur l’égalité pour les handicapés (LHand), seules 45% le seront. Nos graphiques.
Vaud fait figure de mauvais élève quant à l’accessibilité de ses gares. Le canton affiche le quatrième plus grand retard suisse et figure à l’avant-dernière place romande. Pourtant, la loi sur l’égalité pour les handicapés (LHand), entrée en vigueur en 2004, prévoit que les gares helvétiques soient adaptées au 31 décembre 2023. Mais selon les données 2022 de l’Office fédéral des transports (OFT), seules 45% des stations vaudoises seront prêtes à cette date. Bien en dessous de la moyenne du pays (61%) et de la médiane (65,5%).
Le retard d’application de la LHand freine la possibilité des personnes handicapées de participer de plein droit à la vie en société. Or cette loi, ainsi que la Constitution fédérale (art. 8), prévoit l’interdiction de discriminer et de défavoriser les personnes handicapées, y compris dans les transports publics. A quel point les gares vaudoises accusent-elles du retard sur leur mise en conformité? Réponse en chiffres et en carte.
Vaud et la Romandie restent à quai
La Suisse entière semble encore loin de remplir ces objectifs d’inclusivité. La mise en conformité des gares helvétique stagne: aucun canton ne risque d’atteindre le délai fixé au 31 décembre 2023. Mais les plus mauvais élèves sont romands, et Vaud pointe même à l’avant-dernière place.
A sa décharge, le canton compte un très grand nombre de gares, plus de 800, et il serait troisième au niveau national en nombre absolu d’arrêts accessibles aux personnes handicapées d’ici la fin de l’année. Vaud devrait avoir adapté 117 de ses gares, se plaçant derrière Berne (217) et Zurich (123). En termes relatifs, cependant, il se place loin derrière les deux cantons alémaniques qui devraient, eux, avoir adapté respectivement 72% et 69% de leurs stations, contre 45% pour Vaud. Plus de la moitié des gares vaudoises ne respecteront donc pas les prescriptions légales en matière d’accessibilité dans les délais requis par la loi.
Des compensations pour plus d’un arrêt sur deux
Que faire alors si l’on a besoin, en chaise roulante, de se rendre dans une gare inadaptée? Les CFF sont chargés d’organiser l’application concrète de mesures de compensation au niveau national, pour tous les arrêts qui ne seront pas accessibles sans discrimination à partir de la fin 2023, et ce, jusqu’à leur mise aux normes si cette dernière est possible. Le Call Center CFF Handicap est à disposition pour planifier son voyage.
Par exemple, en gare de Palézieux, une assistance assurée par du personnel CFF, au moyen d’une rampe pliable ou d’un mobilift, sera disponible à partir du 1er janvier 2024. Ailleurs, les voyageurs pourront être pris en charge avec un véhicule routier adapté, comme un bus ou un taxi, jusqu’à la prochaine gare accessible. Ces solutions ne laissent toutefois pas de place à l’imprévu, puisqu’elles impliquent une anticipation de la part des usagers qui doivent s’annoncer au minimum deux heures avant le voyage envisagé.
Ces mesures de compensation sont censées être provisoires jusqu’à la mise aux normes des stations mais à certains endroits, elles seront permanentes. C’est notamment le cas pour les gares de montagne où le dévers est trop important. L’arrêt Chèvrerie-Monteret, sur la ligne Nyon-St-Cergue-Morez, est par exemple concerné par cette problématique. «Même si on le voulait, on ne pourrait pas modifier l’infrastructure. La nature du terrain ne le permet pas», explique Yann Gessler, responsable vente, marketing et communication des NStCM. Aussi, l’adaptation est parfois jugée disproportionnée, notamment en raison de coûts trop élevés. «La question du principe de proportionnalité est importante et subjective. Dans une petite gare, il y aura toujours un doute sur cette proportionnalité entre les coûts et les besoins», note Fabienne Segu, secrétaire générale de Forum Handicap Vaud. «Ce n’est pas juste une question de transport, rappelle-t-elle. On parle de l’accès à la vie sociale, à l’autonomie, à tous les autres champs de la vie quotidienne.»
Le LEB a pu être adapté
On explique ces différences de traitement par le fait, entre autres, que la mise en conformité des gares et arrêts ferroviaires est de la compétence de leur propriétaire, c’est-à-dire les entreprises de transports publics. Des sociétés qui, entre elles, ne font pas face aux mêmes défis et problématiques. La situation géographique et la topographie, plus ou moins complexes, exercent une influence sur la rapidité de la mise en conformité d’une ligne, détaille la Direction générale de la mobilité et des routes de l’Etat de Vaud (DGMR). Et d’ajouter: «Pour le LEB, par exemple, qui relie Lausanne à Echallens, ces derniers paramètres ont facilité la mise en conformité des gares, et permis de modifier la cadence. Tandis que les projets des lignes de montagnes sont plus complexes à réaliser techniquement.»
Les CFF justifient le retard vaudois par plusieurs causes. D’abord, un temps de démarrage long après l’application de la loi, le temps de régler des questions de ressources et de moyens financiers. Concernant les 36 gares du canton pas encore aux normes, ils expliquent que «la forte quantité de chantiers sur le réseau ferroviaire, cumulé à la nécessité de lancer des études approfondies pour ces gares» les a «contraints à devoir échelonner la mise en œuvre sur plusieurs années».
La DGMR explique que «le besoin de rattrapage a été admis par la Confédération qui a alloué des moyens supplémentaires pour ces prochaines années pour augmenter le nombre de chantiers en Suisse romande, ce qui ne sera d’ailleurs pas sans conséquence sur l’exploitation ferroviaire.» Vingt ans après son entrée en vigueur, la LHand a encore un long chemin à parcourir.
Cinq dates clés
2002: La Loi sur l'égalité pour les handicapés (LHand) entre en vigueur. Les voyageurs handicapés doivent pouvoir utiliser les transports publics (TP) de manière autonome.
2014: Délai pour les adaptations des systèmes de communication et d’émission de billets, selon la LHand.
2017: L'Office fédéral des transports (OFT) présente sa stratégie pour la mise en œuvre de la loi sur l'égalité pour les handicapés (LHand).
2023: Selon la LHand, les voyageurs handicapés devraient pouvoir utiliser de façon autonome les transports publics au 31 décembre. Mais tous les cantons sont en retard.
2032: Le dernier arrêt vaudois sera mis aux normes (sans compter les retards, les arrêts pas encore planifiés ni ceux qui ne seront jamais mis à jour car leur adaptation a été jugée disproportionnée).
Mathias Délétroz et Laura Manent
Crédit photo: Keystone
Ce travail journalistique est issu d'un travail dans le cadre du cours de "Datajournalisme" du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel. Il a également été publié dans le journal Le Temps.