Les nouveaux mécanos du cœur  

Créer un système d’assistance cardiaque non invasif, telle est la quête de Yoan Civet, chercheur au Centre pour muscles artificiels.  Reportage dans le cadre de notre Masterclass internationale: Immersion 24h dans Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds

«Ce projet est le plus important que j’aie jamais réalisé. C’est un peu mon bébé.» L’engouement avec lequel Yoan Civet, chercheur et project manager au Centre pour muscles artificiels, explique l’incroyable défi de ce laboratoire de l’EPFL, suffit à redonner des couleurs aux tons ternes du bâtiment. Adieu pluie et humidité, bonjour polymères électro-actifs, tension de Maxwell et autres réjouissances physico-complexes.

L’idée est pourtant simple. Aujourd’hui, lorsque le cœur ne parvient plus à remplir sa fonction de pompe, il n’existe que peu d’alternatives: une greffe ou un système d’assistance complexe. Toutes deux nécessitent une opération à cœur ouvert.

Pour y remédier, le laboratoire dirigé par Yves Perriard, professeur en micro-ingénierie, a imaginé un système d’assistance novateur: un anneau placé autour de l’aorte qui aiderait au pompage, soulageant le travail du cœur. Plus besoin d’ouvrir l’organe et plus de contact avec le sang, donc pas de risque d’hémorragie ou de thrombose.  

Un challenge de taille relevé par une dizaine de chercheurs de tous horizons géographiques et scientifiques. Ingénieurs, micro-techniciens, chirurgiens cardiaques et bientôt chimistes: la réussite repose sur le partage de compétences.

Le dispositif consiste en une série d’anneaux recouverts d’une membrane. Soumise à un courant électrique, la membrane se contracte et transmet un mouvement de va et vient aux anneaux. Ceux-ci sont conçus comme des ressorts en titane, matériau choisi pour sa biocompatibilité et sa résistance. Alors que toutes les pièces sont fabriquées à l’EPFL, la réalisation des anneaux en titane a été confiée à l’industriel Petitpierre à Cortaillod.

La membrane noire (à gauche) rythme les contractions du ressort en titane (à droite).

Neuchâtel, un bastion historique de la microtechnique

«Pour tout ce qui est microtechnique, Neuchâtel, c’est l’idéal», se félicite Yoan Civet.

La région est en effet un berceau de l’innovation horlogère, et possède un savoir-faire centenaire. L’EPFL n’a donc pas hésité avant d’accepter les locaux que le canton lui proposait. «Ici, les industries locales ont autant d’avantages que les grosses entreprises, ce qui crée un beau mélange des genres.»

Ce système unique pourrait remplacer un tiers de la fonction de pompage du coeur. Il s’agit donc d’un intermédiaire entre des médicaments préventifs et une opération lourde quand le coeur est trop endommagé pour que l’anneau suffise.

L’humain augmenté, côté cœur, c’est presque pour demain. Le laboratoire espère obtenir un prototype fonctionnel d’ici la fin de l’année, avant de réaliser des premiers tests sur les animaux. Leur espoir est d’obtenir à terme un mécanisme à la fois interne et externe. A l’intérieur, le système d’anneaux placé sur l’aorte est alimenté par une batterie qui pourrait être portée à la ceinture. La liaison entre les deux parties est assurée par un système d’induction électromagnétique sans contact.

Iron man n’a qu’à bien se tenir. Si le costume est moins flamboyant, le résultat pourrait être tout aussi enthousiasmant. Il serait ainsi possible de retrouver un cœur vaillant en étant moins invasif. Une alternative bienvenue sachant que les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de décès en Suisse.

Lorene Mesot , Kathy De Schryver, Leo Schaller ; Léa Ménard

L'ENCADRÉ RÉFLEXIF:

“Ici, on développe une bande test sur lequel on vient caractériser un ressort que l’on intègre à l’actionneur électromagnétique”, Yoan Civet, 13 septembre 2018

Pas toujours facile de suivre les explications des chercheurs sans connaissances scientifiques poussées. Mieux vaut retrousser ses manches et ne pas avoir peur de poser des questions. La subtilité: ne pas perdre son sens critique tout en acceptant ses propres limites.

Ensuite, pour transmettre l’information, attention à l’utilisation du jargon scientifique. Il y a un délicat équilibre à trouver pour rendre les choses simples sans sacrifier les nuances. Un ingrédient essentiel ? L’enthousiasme. Dans ce cas précis, celui du chercheur Yoan Civet, a été contagieux.   

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