Avez-vous déjà entendu parler des « blessures morales »? Un état psychologique peu connu, bien que répandu. Une conférence du festival international du journalisme à Perugia y était dédiée.
Prises de décision rapides, dilemmes moraux et scènes difficiles à voir accompagnent quotidiennement les journalistes, surtout lorsqu’ils couvrent des zones sinistrées. Pourtant, lorsque l’on parle des professions qui affectent la santé mentale, on ne pense pas aux journalistes. Médecins, militaires, policiers, pompiers… mais pas journalistes. Selon le psychiatre canadien Anthony Feinstein, on aurait tendance à les considérer comme des « observateurs naturels », oubliant qu’en leur qualité d’être humain avant tout, certaines scènes peuvent être traumatisantes à voir. Et à relater. Puis, il faut continuer. C’est en principe à ce moment là que les premiers symptômes de blessure morales apparaissent.
Trois définitions, un élément commun: l’impuissance. Que cela soit face aux institutions, aux détenteurs du pouvoir ou… à soi-même! Cela correspond aux résultats intermédiaires de la recherche qu’effectue Anthony Feinstein sur la blessure morale chez les journalistes. Au moment d’évoquer les situations moralement problématiques qu’il a recensées à partir de l’expérience de 159 journalistes, c’est un tableau bien fourni qui s’affiche à l’écran.
Nous en avons sélectionné 3 :
- L’incapacité du journaliste à faire face à son rédacteur en chef en cas de désaccord sur les méthodes
- La confrontation à des scènes ou situations moralement inacceptables
- Le fait de devoir traiter des sujets contraires à son éthique personnelle
Il en existe évidemment de nombreuses autres. Mais le sentiment d’impuissance semble prépondérant. En effet, les journalistes Amira Al-Sharif et Sanne Terlingen l’ont toutes les deux vécu. La première, forcée à l’exil suite à la guerre au Yémen espérait pouvoir éclairer, à l’international, sur le conflit criminel qui ravage son pays. Et la seconde couronner son travail d’investigation en rendant justice à des victimes d’abus sexuels. L’impuissance, donc, face à des combats qui les dépassent elles et leur rôle de journaliste.
Un problème à prendre à la source
En marge de la conférence, Anthony Feinstein nous parle de la responsabilité morale des organisations de presse quant à la santé mentale des journalistes. Une situation qui mérite selon lui autant d’attention que les blessures physiques.
Par Muriel Bornet
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Production de formats journalistiques innovants », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.