Les mandats de la Commission sur les droits de l’homme au Sud Soudan sont renouvelés et augmentés. Le sort du plus jeune pays du monde s’est scellé rapidement et par consensus.
Le marteau du président du Conseil des droits de l’homme frappe une fois encore le socle. Le bruit est presque inaudible dans la salle vingt du palais genevois des Nations Unies. Face aux bruits des armes et aux cris des Sud-Soudanais, il sonne sourd.
#HRC34 adopts RES on situation of #humanrights in #SouthSudan Extends mandate of #CoHRSouthSudan for 1year Dialogue at #HRC36 Report #HRC37
— HRC SECRETARIAT (@UN_HRC) 24 mars 2017
Deux ans après avoir accédé à son indépendance, le Sud Soudan sombre dans une guerre civile, en 2013. D’un côté les partisans de l’actuel président, Salva Kiir, et de l’autre ceux de l’ancien vice-président, Riek Machar. Le conflit se double d’un caractère ethnique entre Dinkas, peuple de Kiir, et Nuers, dont Machar est issu.
Dans son dernier rapport, la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud affirme que «les civils sont délibérément ciblés et attaqués en fonction de leur ethnie».
Extinctions des droits et du droit
Les droits humains ont disparu. Les belligérants utilisent la violence sexuelle et sexiste comme arme de guerre. «Systématiquement» affirme le même rapport. Plus de deux cents cas de viols ont été documentés par l’ONU, pour l’unique mois de juillet 2016. Les enfants ne sont pas épargnés. Ils seraient 17 000 à avoir été recrutés par des groupes armés depuis 2013, estime l’UNICEF. Impossible de dénoncer ces exactions en l’absence de liberté d’expression et d’opinion.
Les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité restent donc impunis. Les tribunaux viables ne sont pas légion dans le pays. Et les premières personnes qui devraient y comparaître occupent des places de haut-rang dans le gouvernement de transition et dans l’armée, indique le rapport de la Commission.
Faux espoirs, vraie lenteur
En 2015, un accord de paix est signé. Les parties prenantes s’engagent à la création d’un tribunal hybride avec l’aide de l’Union Africaine. Petite étincelle avant que les conflits reprennent en juillet dernier. L’Union Africaine reste immobile. Toujours pas de tribunal. «L’exil en Afrique du Sud du leader de l’opposition, Riek Machar, rend difficile la poursuite du processus de paix» ajoute le DFAE (Département fédéral des affaires étrangères), «il n’est dès lors pas à exclure qu’un nouvel accord soit nécessaire dans le futur».
UN Security Council raises anew the idea of sanctions and a weapons embargo against South Sudan: https://t.co/2CFfZEcory pic.twitter.com/PxixUCzGNb
— AFP Africa (@AFPAfrica) 24 mars 2017
Il faut dire que la justice transitionnelle ne fait pas l’unanimité dans le continent. «Certains responsables africains se sentent visés» explique Jonathan Pednault, de Human Rights Watch. Pourtant le mécanisme est parfait, «une justice par les Africains, pour les Africains» ajoute-t-il. Le gouvernement sud-soudanais présente un «dialogue national». La proposition n’est pas prise au sérieux.
«Le dialogue n’est pas inclusif et les opposants continuent de disparaître» déplore Jonathan Pednault. Le temps passe, les souvenirs s’effacent et les preuves se détériorent.
Une communauté internationale inerte
Par consensus, le Conseil des droits de l’homme prolonge d’un an la mission de la Commission. Et il tire un peu plus sur la sonnette d’alarme. Le Conseil lui confie un mandat judiciaire. «Cette décision doit lui permettre d’aller au-delà du rôle de reporting, et de recueillir et conserver les preuves ainsi que de déterminer les responsabilités» se réjouit le DFAE.
Mais la résolution ne résonne que très peu avec la récente décision du Conseil de Sécurité de l’ONU. L’embargo sur les armes au Sud Soudan n’a pas été adopté. «Cette menace agissait comme une épée de Damoclès sur le gouvernement» explique Jonathan Pednault.
L’épée est décrochée. C’est une grande défaite, mais pas pour tous. «2017 sera une année de paix et de prospérité pour le Sud Soudan» affirmait le Premier Vice-Président sud-soudanais, Taban Deng Gai en ouverture du Conseil.
.@UNFAO maps illustrate the most food insecure areas in #Yemen, #SouthSudan, northeast #Nigeria & #Somalia #4Famines https://t.co/OzM9f8wKMD pic.twitter.com/azj0tD2hhl
— IRIN News (@irinnews) 31 mars 2017
Pendant ce temps, son gouvernement consacre près de la moitié de son budget aux armes et à la défense, selon un rapport confidentiel de l’ONU, consulté par Reuters le mois dernier. La famine est déclarée en début d’année et les civils tentent de fuir.
Jonathan Pednault, au Sud Soudan pendant le mois de mars, ne peut que constater la poursuite des attaques par le gouvernement. Pour couronner le tout, les signes précurseurs d’un génocide sont apparus.
Vers un nouvel échec onusien
En treize minute le Conseil des droits de l’homme a traité le cas du Sud Soudan. «Nous n’avons pas besoin d’un nouveau rapport. Nous avons besoin que la communauté internationale fasse quelque chose» se désolait une victime à Wau (nord-ouest du pays) à la Commission.
«C’est un échec de l’ONU, de la communauté internationale, de l’Union Africaine, de la sous-région. Mais surtout, c’est un échec du gouvernement sud-soudanais, qui continue d’attaquer sa propre population» conclu Jonathan Pednault.
Le Sud Soudan: nouveau Rwanda?