Le Léman Express est enfin sur les rails. Le réseau ferroviaire transfrontalier a ouvert en grande pompe jeudi 12 décembre. Mais quel sera son impact concret sur les habitudes de transports ? Pour mieux le saisir, nous avons suivi quatre usagers potentiels.
Les médias romands en ont parlé en long et en large, tandis que les politiciens français et suisses ont vanté l’aboutissement d’un projet de longue haleine. Pourtant, le tout nouveau Léman Express reste pour le moins complexe, tant du point de vue des horaires que des divers régimes tarifaires, entre autres. En résumé, le Léman Express, c’est:
- 230 kilomètres de rail
- 45 gares en France et en Suisse
- 6 lignes
- Et par conséquent, le plus grand train transfrontalier d’Europe
Faire parler les chiffres
Répétées à loisirs par les autorités compétentes et les porteurs du projet, ces données sont certes impressionnantes. Mais elles en disent peu sur les véritables changements apportés par le nouveau réseau sur le quotidien des usagers.
Pour mieux illustrer ces modifications, nous avons imaginé quatre profils d’utilisateurs, pour quatre trajets différents. Ils s’appellent Nicolas, Samantha, Jeanne ou Tiago, viennent de Saint-Julien-en-Genevois, Annecy, Annemasse ou Fribourg. Ils se rendent à Genève pour le travail ou les loisirs. Leur quotidien est directement touché par l’arrivée du Léman Express près de chez eux.
Certaines villes défavorisées
Décidément, tout n’est pas simple avec le nouveau réseau du Léman Express. Et l’intérêt des usagers pour le nouveau réseau varie grandement selon qu’ils se trouvent à Annecy, proche du centre-ville de Genève ou ailleurs en Suisse romande.
- Tout roule pour l’Annemassien Tiago. Le Léman Express le dépose devant son lieu de travail, et lui fera gagner de l’argent et même quelques minutes.
- Quant à Jeanne, résidente d’Annecy, elle économise une somme considérable d’argent en abandonnant l’utilisation de sa voiture. Mais étonnamment, le réseau ferroviaire lui fait perdre du temps. En cause: les nombreuses haltes entre Annecy et Genève, avec pas moins de sept arrêts au total.
- Si elle reste à Saint-Julien-en-Genevois, il est peu probable que Samantha se laisse convaincre par la nouvelle offre ferroviaire. En utilisant son scooter, elle continue à gagner du temps, sans pour autant que son porte-monnaie en paie les frais.
- Du côté de notre supporter de foot fribourgeois, Nicolas sera ravi de pouvoir assister à la fin du match de l’équipe Suisse. En ce sens, le Léman Express devrait grandement faciliter les transports de loisirs, notamment les week-ends.
Grèves imprévisibles et autres mécontentements
Pour les voyageurs fréquents, la réalité n’est pas toujours rose. Les usagers ne sont jamais à l’abri d’un éventuel accident de la route, ni de bouchons conséquents en périodes de vacances ou les week-ends. Nos calculs reposent par ailleurs sur l’hypothèse d’un réseau ferroviaire stable, ce qui n’est pas forcément le cas, comme nous l’observons actuellement sur le réseau du Léman Express, touché par les grèves en France. Déjà, les plaintes des usagers fusent, notamment sur les réseaux.
Today the ???? #lemanexpress train was supposed to start continuing in France beyond Geneva. And because of French strikes:
– the part in France cannot run
– it adds delays on the Swiss part
?? pic.twitter.com/u61Xa34ctd— Franck Pachot (@FranckPachot) December 16, 2019
Les chiffres ne disent pas tout; chaque moyen de transport possède sa propre culture. Un usager pourrait décider de changer ses habitudes, même si cela ne lui apporte aucunes économies de temps ou d’argent, mais par pure conviction écologique. À l’inverse, un usager de la voiture peut préférer payer plus pour continuer à jouir de son confort. Le train, certes moins privé, offre toutefois la possibilité d’y travailler, bouquiner, ou plus simplement profiter du paysage.
Malgré un départ perturbé par les grèves en France, le Léman Express devrait en définitive séduire une grande partie de la population, tout en dynamisant l’économie de la région.
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Méthode de calcul
Nous avons imaginé des trajets-types, sur une journée. Ce sont des profils fictifs, toute ressemblance avec une personne réelle est fortuite.
Pour l’estimation du prix et du temps de trajet en voiture, nous nous sommes basés sur le site calculateur d’itinéraire Michelin. Une référence qui permet d’estimer le trafic automobile, le coût du carburant ainsi que les éventuels péages. Les prix sont convertis en francs suisses.
Comment estimer la consommation d’essence ? Pour simplifier la comparaison, nous avons imaginé que chacune des personnes utilise la même voiture: une Volkswagen Polo, un des modèle les plus courants dans la région genevoise selon une étude de Comparis.
Aussi, pour chaque trajet que nous établissons, nous choisissons toujours le plus court. Pour les pendulaires frontaliers, nous ne prenons pas en compte l’achat annuel de la vignette, qui donne accès à toutes les autoroutes suisses, dans les charges.
Ainsi, par exemple pour le trajet de Jeanne, il existe un itinéraire deux fois plus long (1h au lieu de 30 minutes) mais «moins coûteux» sur une journée. En effet, elle éviterait les autoroutes suisses et donc l’achat de la vignette. Nous partons du principe que cette personne préférerait dépenser 50 frs annuellement pour économiser 30 minutes de trajet tous les matins.
Crédits photos: Wikimedia Commons, Miguel Da Silva Rodrigues, Pexels/Bruce Mars
Par Miguel Da Silva Rodrigues et Lucas Philippoz
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Compétences numériques pour le journalisme », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.