L’Afrique du Sud au chevet de Semenya

Caster Semenya attend encore le jugement du Tribunal arbitral du sport.

Alors que l’athlète sud-africaine Caster Semenya attend toujours la décision du Tribunal arbitral du sport concernant les sportifs atteints d’hyperandrogénie, son pays lui apporte un soutien indéfectible. Cet appui pourrait pourtant ne pas s’avérer suffisant.

Caster Semenya, double championne olympique du 800 mètres et grande figure de l’athlétisme ces dernières années, pourrait voir son destin basculer ces prochains jours. Cette athlète sud-africaine, atteinte d’hyperandrogénie et qui bénéficie donc d’un taux de testostérone naturellement élevé, est au cœur d’un immense imbroglio qui sera prochainement jugé par le Tribunal arbitral du sport (TAS).

Le cas Semenya divise de nombreux spécialistes. En avril 2018, l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF) avait pris la décision de réguler le taux de testostérone des athlètes atteint d’hyperandrogénie à l’aide de médicaments. Les experts de l’IAAF estiment que ce taux plus élevé que la norme est l’un des principaux facteurs explicatifs de performances. Ce choix change radicalement la donne pour une athlète comme Caster Semenya. Elle perd un avantage obtenu naturellement. La spécialiste du 800 mètres a décidé de saisir le TAS pour défendre ses droits. Ce dernier rendra sa décision à la fin du mois d’avril. « Les principaux paramètres qui vont être jugés sont d’ordres juridiques et ensuite viennent les facteurs scientifiques. Vu la nature très particulière de ce litige, des paramètres éthiques seront aussi pris en considération par les arbitres du TAS », détaille Matthieu Reeb secrétaire général au sein de cette instance.

Droits de l’homme impactés

Le combat de Caster Semenya contre la discrimination prend une grande ampleur par son statut de sportive d’exception, mais aussi grâce au large soutien qui lui est apporté par sa nation, l’Afrique du Sud. « Il faut bien savoir que Caster Semenya n’est pas la seule athlète dans ce cas de figure. La plupart du temps, les fédérations essaient de faire taire les affaires et ne soutiennent pas les athlètes en question. Il y a aussi certainement des sportives qui essaient de cacher leurs différences. Caster Semenya assume complètement son statut et son look androgyne », explique Lucie Schoch, sociologue à l’institut des sciences du sport à Lausanne.

L’Afrique du Sud a dès le début pris le parti de soutenir son athlète comme en atteste son choix fort de l’avoir nommée porte-drapeau lors des Jeux olympiques de Londres en 2012. Dernièrement, la nation arc-en-ciel a déposé une résolution au Conseil des droits de l’homme qui a été adopté le 21 mars 2019. Cette résolution visait à éliminer la discrimination contre les femmes dans le sport. « L’objectif premier était de rappeler aux organismes sportifs internationaux et nationaux que les règles, réglementations et pratiques qu’ils mettent en place ont une dimension des droits de l’homme », éclaircit Clinton Swemmer, conseiller à la mission sud-africaine auprès de l’ONU.

Une résolution qui arrivait toutefois dans un timing assez particulier, à savoir quelques semaines avant la décision du TAS. De ce fait, l’Afrique du Sud s’est attiré quelques critiques. Certains pays y voyaient un moyen d’influencer l’instance responsable du dossier. « La Formation du TAS ne statuera que sur la base du dossier officiel et non pas sur la base d’éléments externes. Il serait grave que le TAS se laisse influencer », tient toutefois à rassurer Matthieu Reeb, secrétaire général du TAS.

« Nous espérons que l’action en justice lui sera favorable afin qu’elle puisse concourir sans avoir à subir d’interventions médicales qui portent atteinte à sa dignité. Quel que soit le verdict rendu, le Conseil des droits de l’homme a fait valoir dans sa résolution que les violations des droits de l’homme ont lieu et doivent cesser », a glissé Clinton Swemmer.

L’argent force du changement

La question de violation de droit de l’homme revient à toutes les bouches. Réduire les capacités obtenues naturellement par Caster Semenya en constitue une pour nombreux spécialistes. « Il est vrai que lorsqu’une femme réalise des performances exceptionnelles, elle est regardée de travers. Néanmoins, quand c’est un sportif masculin qui performe et qu’il possède une génétique au-dessus de la norme, à l’image de Yao Ming qui profitait de ses 2 mètres 29 au basketball, personne ne s’insurge », analyse Christope Jaccoud, professeur assistant en sociologie du sport à l’Université de Neuchâtel. « Le sport actuel est coincé dans la dualité des sexes », renchérit quant à elle Lucie Schoch.

Un changement dans les mœurs semble possible et émanera certainement des grandes instances sportives. Selon Christophe Jaccoud, il pourrait également venir grâce aux soutiens d’une grande puissance économique : « La force du changement reste bien souvent l’argent. On a vu que Nike s’est opposé à l’Amérique de Trump en soutenant ouvertement le footballeur américain Colin Kaepernick. Si une grande marque plaide la cause de Semenya, cela pourrait changer la donne. »

Crédits Photo : Wikimédia

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