Le village valaisan de Fionnay a accueilli le tournage de la série Log-out, une co-production franco-suisse réalisée dans un contexte où le Valais devient une destination toujours plus attrayante pour les projets audiovisuels. Immersion sur le plateau à la tombée de la nuit…
Trois coups de klaxons brisent le silence des montagnes valaisannes. Un jeune homme est coincé dans un 4×4. Quelques rayons de lumières transpercent la pénombre. Il vient de trouver une lampe torche dans la boîte à gants. C’est l’une des nombreuses séquences tournées mardi par la production de Log-out, un cyber-thriller coproduit par AKKA Films, la RTS et TF1. L’équipe aura refait la séquence trois fois avant de la « mettre en boîte ».
Il pleut ce jour-là à Fionnay, dans le Val De Bagnes. Le vent souffle et la température est proche de zéro. C’est là que l’équipe de Log-out s’est installée pendant trois jours. Le plateau se situe sur le chemin menant au village valaisan. Jean-Marie Gindraux, directeur de production sur la série, gère la logistique. Il est également chargé de diminuer, voire de baisser le budget de la série, « le plus dur », selon lui. Il doit aussi loger, déplacer et nourrir les cinquante personnes composant l’équipe de production. Log-out suit une veuve contrainte d’abandonner sa vie à Genève et de fuir avec son fils, alors qu’ils sont poursuivis par un hacker. La série adopte ainsi une structure de road movie dans la région valaisanne. Le canton a été choisi pour « ses décors magnifiques », contrastant avec les paysages genevois. Outre ces considérations esthétiques, le Valais a également pour lui l’ »accueil » et le « confort ».
Le Valais, nouvelle contrée du cinéma ?
Les studios 13 à Sion, inaugurés il y a deux semaines, représentent le plus grand espace de tournage de Suisse romande. Ils renforcent le statut du Valais en tant que « terre d’accueil » de l’industrie cinématographique. En 2021 déjà, était fondée la Valais Film Commission qui aide les productions à obtenir des autorisations et des indemnisations pour certains frais de tournage, un atout incontestable pour une série au budget moyen comme Log-out. Pendant ces trois jours, l’équipe de production opte pour un tournage « mixte ». La nuit tombant plus vite, on tourne à la fois des séquences de jour et de nuit dans une même journée. « Nous mettons en boîte une scène d’accident de voiture dans des conditions rudes », explique Jean-Marie Gindraux. Circulation, basse température, dénivelé, autant d’éléments que doivent gérer l’équipe de tournage. D’autant plus que tout le monde a été pris de court par la neige. « On se demande comment on va gérer les raccords », confie une assistante de production en évoquant les scènes tournées le matin, sous les précipitations. « On s’adapte », lâche nonchalamment le directeur de production qui, pour l’heure, a d’autres priorités. « Dans ce genre de scène, ce qui prime, c’est la sécurité. »
« Dans les scènes d’accidents, ce qui prime, c’est la sécurité. »
Jean-Marie Gindraux, directeur de production
Près du plateau, niché au creux d’un virage, on sent l’odeur du carburant qui alimente la génératrice et les véhicules. D’énormes projecteurs accrochés à une nacelle rouge lancent d’intenses jets de lumière. Sur un tournage en extérieur, il est impératif de pouvoir déplacer le matériel. Il suffit d’un projecteur ou d’un phare de voiture en arrière-plan pour briser l’illusion. Plus tard dans la soirée, le camion, la nacelle et la station mobile fournissant le retour vidéo des caméras seront déplacés pour un simple changement d’axe. « Éteignez toutes vos loupiotes! », s’exclame régulièrement le premier assistant réalisateur Serge Musy de sa voix puissante, affaiblie par une journée passée à répéter les instructions du réalisateur à l’équipe. Le moindre rayon d’un projecteur ou d’un phare de voiture en arrière-plan suffit pour ruiner l’illusion.
Le personnage d’Achille, incarné par l’acteur Arcadi Radeff, n’est plus isolé dans l’hostile nature valaisanne, mais ramené à la réalité plus triviale du tournage. Sur le plateau, le jargon technique fuse dans une ambiance de chaos organisé. Entre les techniciens affairés sur le matériel, les accessoiristes sur leurs costumes, les communications par Talkie-Walkie et ceux qui attendent en plaisantant entre les prises, la décontraction et une certaine urgence se font constamment du coude-à-coude. Or, tout se calme lors des prises de vue. « Moteur… Action! ». Là, les bonnes oreilles peuvent même entendre le bruit du ruisseau qui coule à proximité.
La gestion de la lumière
« Les tournages de nuit, c’est la même chose que les tournages de jour, mais avec plus de lumière », ironise Luc Walpoth, chargé de l’épisode. « Le rythme est dur, mais le vrai problème, c’est l’après. Une semaine de tournage de nuit et on est complètement décalé! » C’est la première fois que le cinéaste s’essaie au format télévisuel. Pour lui, la petite lucarne offre moins de places aux audaces d’éclairages pour des raisons très pragmatiques. « La particularité de la télé, c’est qu’il faut plus éclairer qu’au cinéma. La série est pensée pour être vue sur des petits écrans. »
Créer une ambiance lumineuse crédible dans une scène où un personnage est perdu dans la nature est d’ailleurs le principal défi du chef opérateur Gabriel Lobos, responsable de la lumière. Ce dernier se tient près du retour vidéo. Il est à l’affût de la moindre source de lumière qui pourrait être exploitée. « La grande difficulté des tournages de nuit, c’est d’inventer une source qui n’est pas naturelle par essence, mais que le spectateur ne remarque pas. » L’imposant projecteur accroché à la nacelle va par exemple se substituer à la Lune sur certaines séquences où Achille, en perdition, marche sur la route. « La lumière de la Lune n’est pas aussi intense dans la réalité, mais ça fait illusion. Il s’agit le plus souvent de partir d’éléments du réel et de les amplifier pour éclairer la scène. »
« La grande difficulté des tournages de nuits, c’est d’inventer une source qui n’est pas naturelle, que le spectateur ne remarque pas. »
Gabriel Lobos, directeur de la photographie
Après l’annonce de la fin de la nuit de tournage, l’équipe fonce ranger le matériel. « Je veux obtenir un dernier plan qui me satisfasse artistiquement, mais je ne peux pas trop étirer le tournage puisque l’équipe technique doit rester une heure sur le plateau pour tout remballer », concède Luc Walpoth. L’efficacité est de mise. En descendant le Val de Bagne, on ne voit presque plus rien sur le plateau. Les techniciens devront revenir le lendemain à la première heure pour préparer la dernière journée de tournage mixte à Fionnay.