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« Je vois davantage Alain Berset que sa propre femme »

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Voilà 6 ans que Peter Lauener est porte-parole du ministre de l’Intérieur. Actif au cœur du pouvoir décisionnel suisse, il occupe un poste en retrait. Mais qui est cet homme caché dans l’ombre d’Alain Berset ?

«Tous les matins, entre 7 et 8 heure, je lis l’entier de la presse suisse, ensuite j’ai meeting avec Berset jusqu’à 9 heure.» Lorsque Peter Lauener détaille son emploi du temps quotidien, ce qui frappe c’est l’importance de chaque minute. Une grosse montre au poignet, l’homme a toujours un œil sur les aiguilles. «Il y a un ordre pour tout, sinon c’est le bordel», affirme-t-il. Lisse et guindé à premier abord, l’homme dévoile rapidement que s’il est le porte-parole d’Alain Berset, ce n’est pas un hasard. «Je m’exprime rarement, mais dans l’ombre, j’influence beaucoup la politique» annonce-t-il d’entrer de jeu.

Cette détermination prend une signification toute particulière ce jeudi au Palais fédéral. A midi, le parlement a finalement accepté à une voix près la réforme des retraites. «La décision d’aujourd’hui représente cinq ans de travail, c’était crucial. Nous avons travaillé les parlementaires à mort pour obtenir leurs votes.»

« Je fais de la comm en Champions League »

Une poigne énergique, une silhouette élancée et un sourire poli dans un costume bleu roi, il faut le dire, Peter Lauener a parfaitement la tête de l’emploi. Pourtant, plus jeune il se rêve chauffeur de train, puis cuisinier. Muni de «deux mains gauches», il décide d’étudier la langue allemande à l’université puis devient journaliste à l’ATS. Mais rapidement, il change de bord. La neutralité ne lui convient pas, il veut pouvoir défendre son opinion. «J’ai choisi la communication parce que je voulais faire de la politique.» Cette déclaration aux allures d’oxymore prend pour lui tout son sens. Après avoir été chef de l’information du syndicat du personnel des transports, il prend la tête de la communication du parti socialiste pendant six ans. À la question de savoir pourquoi alors ne pas avoir choisi une carrière de politicien, il répond sans hésiter : «Comme ça personne ne me reconnaît ! Je peux aller me baigner dans l’Aare et personne ne s’intéresse aux poils que j’ai sur mon torse». Un argument qui fait mouche.

Un petit coup d’œil à sa montre, un clic discret sur son IPhone, Peter Lauener ne peut pas se permettre de lâcher du lest cette après-midi à Berne. Avoir le ministre de l’Intérieur comme patron direct, c’est aussi accepter de ne plus compter ses heures. «Je ne prends jamais de rendez-vous avant 20 heures avec mes amis», avoue-t-il. Mais pour Peter Lauener, ce n’est pas un problème. « Je ne me plains pas, je ne jouerai pas toute ma vie à ce niveau.» Reste à savoir si sa femme partage cet avis. «Elle fait aussi de la politique.» Ou quand le travail s’invite à la maison.

«Je donne des conseils musicaux à Berset»

Pour passer autant de temps avec son patron, mieux vaut nourrir une bonne relation. Si Peter Lauener accepte d’être joignable à tout moment, il met cependant quelques limites. Il ne considère pas Alain Berset comme un ami, mais comme un proche collègue et cette différence est importante. Une vision très suisse allemande des rapports humains, selon lui. «Je ne pars pas en vacances avec lui, mais il nous arrive de discuter de choses privées, comme tout le monde», admet-il finalement. D’après son patron, c’est aussi leur goût prononcé pour la bonne musique et la bière artisanale qui leur a permis de forger cette relation de confiance absolue au cours des six dernières années.

Vous l’aurez bien compris, si Peter Lauener travaille aujourd’hui au Palais fédéral, c’est avant tout par passion pour la politique. « Mon travail, c’est ma vie » n’a-t-il pas peur d’affirmer. Pourtant fils d’un père UDC, il n’était pas destiné à devenir «le garçon qui est rouge», comme le désignent ses concitoyens. «La première fois que j’ai voté, c’était pour la suppression de l’armée», annonce-t-il avec malice. «Dans mon petit village de Frutigen, nous n’étions pas beaucoup à partager cet avis.» Et pourtant ce sont ses idées qui l’ont mené si loin.

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