Fermes verticales: tous bientôt agriculteurs ?

Faire pousser du basilic dans son salon sans presque rien avoir à faire, c’est désormais possible grâce aux serres intelligentes. Cette technologie s’inscrit dans l’agriculture urbaine, en plein développement. Mais les défis restent nombreux.

«On veut transformer le consommateur en producteur». C’est l’ambition de Grégoire Gentile, fondateur et directeur de Caulys, une startup qui développe et commercialise des fermes verticales. L’idée a germé dans la tête du jeune entrepreneur lors de ses études en génie-mécanique à l’EPFL. En deux ans, le concept est passé du statut de simple projet d’étude à un produit commercialisé et utilisé par des restaurants et autres cafétérias.

Les restaurants Crrsp, spécialisés dans les burgers gourmets, se sont rapidement tournés vers ses fermes verticales pour agrémenter leurs plats. Chaque enseigne du groupe, à Lausanne et à Genève, possède sa propre serre, visible par les clients. Vincent Ledoux, co-fondateur et gérant, explique les avantages de posséder une technologie de ce type :

Pour l’instant, dans le carnet d’adresse de l’entreprise, pas ou très peu de particuliers. Implanter le produit dans les foyers reste néanmoins un objectif à long-terme: «On s’est rendus compte que vouloir toucher tout de suite le consommateur final était peut-être trop ambitieux (…) Aujourd’hui, avoir une ferme verticale automatisée chez soi n’est pas commun» précise Grégoire Gentile.

Comment ça fonctionne ?

La spécificité de ces fermes verticales réside dans le fait que la culture se développe dans un environnement clos, hors-sol et contrôlé. Il n’y a donc pas de dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Des engrais combinés à des nutriments permettent le développement des pousses. A l’intérieur de la ferme, des capteurs électroniques sont aussi installés pour permettre un suivi instantané.

Grâce à notre technologie, nous avons accès en temps réel à toutes les serres, ce qui nous permet de parer rapidement à d’éventuels soucis.

Grégoire Gentile, fondateur et directeur de Caulys

« Cette technique de production n’est pas nouvelle » souligne Antoine Besson, maître d’enseignement à la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève. Ce qu’a fait surtout l’entreprise ici, c’est qu’elle a créé un système automatisé pour accompagner le développement ». Le professeur ajoute aussi que « le concept ne peut pas recevoir le label bio car la production ne doit pas se faire hors-sol ».

Si écologique que ça ?

Sur le papier, l’impact écologique des fermes verticales semble très restreint :

  • Absence de pesticides dans le processus de production
  • Pas de CO2 émis car il n’y a pas de transport
  • Pas d’emballage en plastique car la récolte se déroule sur le lieu de consommation
  • Moins d’eau utilisée dans les serres selon Caulys

Mais quand Antoine Besson s’y penche de plus près, il tient à nuancer : « Je ne pense pas qu’une plantation de basilic classique ait un bilan écologique inférieur à une serre de ce type. Concernant l’utilisation de l’eau, les chiffres là-aussi peuvent être débattus ». On peut aussi ajouter aux points négatifs que la forte lumière qui est utilisée pour réaliser la photosynthèse consomme énormément de kilowattheures. Ecoutez la réponse du fondateur et directeur de Caulys à ce sujet :

Simple gadget ou agriculture du futur ?

Ted X de Stuart Oda

« On ne peut pas nourrir une ville entière avec ce genre de système ». Le professeur Besson est catégorique et sur ce coup, il est rejoint par Grégoire Gentile. L’entrepreneur veut inscrire son projet dans une logique de complémentarité avec l’agriculture classique. Cette vision se retrouvant dans les jeunes pousses qu’il propose à la vente : basilic, coriandre, persil, ciboulette, etc. « Le développement se fait entre une et deux semaines. Cela permet d’obtenir une production intéressante et utile pour le restaurateur ou le particulier».

Il faut peut-être voir dans le développement de ces nouvelles technologies une envie chez certaines personnes de retrouver un peu de vert et de calme au milieu de l’agitation citadine. Un phénomène accentué récemment par la pandémie de Covid-19. Antoine Besson souscrit à l’hypothèse: « Ces serres rappellent aux gens tout le travail qu’il faut abattre pour bien faire pousser une plante. La population se remet un peu à cultiver, dans l’absolu c’est une bonne chose ».

Par Clément Vuagnat

Ce travail journalistique a été réalisé dans le cadre du Master en journalisme et communication (MAJ)

Crédits photo: Caulys

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