Des voix pour une judéité décoloniale

Les membres du collectif MARAD ont manifesté leur soutien à la Palestine et au Liban dans le cortège samedi 19 octobre. (Photo: Lucien Phillot)

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté samedi 19 octobre en solidarité avec les peuples palestinien et libanais en marge des violences à Gaza et au Liban. Parmi elles, les voix du collectif juif décolonial MARAD. Rencontre avec l’un de ses membres.

Plus d’une année après les évènements du 7 octobre, les violences continuent de faire rage à Gaza. Et le conflit a pris une nouvelle tournure au mois de septembre au moment où l’armée israélienne a débuté une offensive contre les infrastructures du Hezbollah au Liban. En Suisse, la mobilisation se poursuit dans la rue pour dénoncer ce qui se passe au Proche-Orient.

À l’occasion d’une grande manifestation qui a eu lieu le 19 octobre dernier, des centaines de drapeaux et de keffiehs ont teinté les rues de Genève pour affirmer un soutien collectif à la Palestine et au Liban. Une marée humaine qui a défilé sur le pont du Mont-Blanc sous les slogans « Free Free Palestine! » et « Liban, Liban, Genève est avec toi! ». Plus de 6’000 personnes étaient présentes selon les organisateurs-rices, environ 3’000 d’après la police.

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Les manifestants-es ont brandi drapeaux, pancartes et keffiehs pour affirmer leur soutien collectif à la Palestine et au Liban. (Photos: Lucien Phillot)


« Remettre la colonisation au sein de la question israélo-palestinienne »

Parmi les voix entendues à la manifestation étaient également présentes celles des membres du collectif MARAD. Fondé en 2023, ce groupe de personnes juives défend une posture décoloniale et critique à l’égard de la politique de l’État d’Israël. « Le nom MARAD vient de la racine proto-sémitique pour ‘rébellion’ ou ‘révolution’. Ça a donné ‘tamarud’ en arabe et ‘mered’ en hébreu », explique Yann, membre fondateur du collectif.

« À MARAD, nous voulons voir cette terre libre, de la mer au Jourdain. Elle portera le nom de Palestine. »

Yann, membre fondateur de MARAD

Le collectif « a permis de fonctionner comme une sorte de petit refuge pour certaines personnes juives antisionistes », raconte Yann. À l’occasion d’un discours prononcé à l’issue de la manifestation, le militant a réaffirmé le soutien du groupe à la lutte pour la libération de la Palestine : « À MARAD, nous voulons voir cette terre libre, de la mer au Jourdain. Elle portera le nom de Palestine. »

Pour Yann, être juif et antisioniste n’est pas contradictoire. Selon lui, il est possible de rejeter la politique de l’État israélien tout en combattant l’antisémitisme. Une position qui n’est d’ailleurs pas toujours bien comprise et qui peut être source de tensions au sein des communautés juives. « C’est notre propre judéité qui est remise en question et c’est souvent par des personnes juives sionistes », confie Yann. Mais pour le militant, il est impératif de « remettre la colonisation au sein de la question israélo-palestinienne ». 

L’antisionisme considère que le sionisme implique une colonisation des terres palestiniennes et la marginalisation du peuple palestinien. Il rejette donc l’idée d’un État exclusivement juif en Palestine historique, estimant que cela entraîne des injustices envers les Palestiniens. Cependant, il est distinct de l’antisémitisme, car il s’oppose à un projet politique et non à l’identité juive elle-même.


Une mobilisation qui monte jusqu’à Bruxelles

Le soutien des personnes juives décoloniales à la Palestine s’organise même au niveau européen. Un nouveau mouvement s’est formé cette année, European Jews for Palestine. Il rassemble 22 groupes de personnes juives antisionistes issues de 16 pays. L’objectif: mettre les collectifs locaux en réseau pour porter une voix commune à l’échelle internationale.

À l’image de MARAD en Suisse, le collectif juif décolonial français Tsedek ! lutte lui aussi pour la libération de la Palestine.

Si l’ampleur de la mobilisation gagne du terrain à l’échelle européenne, le collectif MARAD entend, lui, poursuivre son implication en Suisse romande, notamment par sa présence durant les manifestations. Un nouveau rassemblement est prévu le 23 novembre prochain à Genève.

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Par Lucien Phillot
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « écritures informationnelles », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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