Varier pour consolider. A Perugia, la conférence « Beyond lip service : taking action for diversity and trust » s’est penchée sur le lien entre diversité et confiance envers les médias. L’occasion de décrypter cette relation et d’en savoir plus sur les outils utilisés pour développer un journalisme intègre.
« Il existe une pluralité d’individus qui doivent pouvoir se reconnaître dans une pluralité de vécus. » Charity Brown, directrice adjointe des productions du Washington Post, résume en une phrase le lien entre diversité et journalisme digne de confiance.
A l’occasion de la conférence « Beyond lip service : taking action for diversity and trust », la jeune femme et trois de ses collègues ont abordé la nécessité de diversifier les points de vue présentés dans les médias. Ceci afin de réparer ou renforcer un lien de confiance distendu par la pandémie de Covid-19 et la montée du complotisme américain.
Parler correctement des minorités…
Selon les quatre conférencières, raconter le vécu de personnes dénigrées par les médias traditionnels doit être une priorité de ces mêmes entités. Car parler des minorités, c’est créer du lien avec celles-ci, et donc la base d’une relation de confiance.
Lorsqu’on souhaite parler des minorités, il est crucial d’utiliser un langage qui ne soit pas stigmatisant, d’être exact·e dans les termes utilisés et de se distancer des euphémismes »
Mackenzie Price, linguiste et directrice des initiatives de lutte contre les préjugés chez Dotdash Meredith
Néanmoins, pour Mackenzie Price, linguiste et directrice des initiatives de lutte contre les préjugés chez Dotdash Meredith, il s’agit surtout d’utiliser les termes adéquats et de ne pas reproduire certains stéréotypes. « Lorsqu’on souhaite parler des minorités, il est crucial d’utiliser un langage qui ne soit pas stigmatisant, d’être exact·e dans les termes utilisés et de se distancer des euphémismes ».
En pratique, cela signifie par exemple de parler de « personnes enceintes » plutôt que de « femmes enceintes » lorsqu’un·e journaliste traite d’un sujet comme la grossesse.
… mais surtout leur donner la parole
Première étape, que les journalistes abordent le vécu des personnes invisibilisées par les médias traditionnels. Ensuite, selon Katy English, responsable de l’intégrité chez Dotdash Meredith, que celles-ci puissent s’exprimer par elles-mêmes. « Se tourner vers des individus dont les expériences et les opinions divergent, c’est donner de la place à chaque histoire, et donc une chance au public de se retrouver dans ces vécus ».
Au Washington Post, Charity Brown explique qu’une base de données concernant les expert-e-s cité-e-s par le média est en train d’être créée. L’objectif : faire un état de la diversité des sources mentionnées et rééquilibrer les possibles inégalités qui pourraient en ressurgir. « Car si notre public se retrouve dans nos productions, notre lien de confiance en sera renforcé. »
Ecoutez Charity Brown au sujet de l’importance de la diversité
« The Trust Project », une façon de créer du lien
Afin de favoriser cette relation de confiance entre médias et individus, Sally Lehrman (réd : qui n’a pas pu être présente à la conférence) a fondé « The Trust Project ». Grâce à huit indicateurs précis, cette organisation aide le public à savoir ce qui se cache derrière un article. Ceci afin de « garantir l’honnêteté, l’exactitude et l’équité » des informations délivrées. Outre la mise en avant d’histoires, d’informations et d’idées provenant de plusieurs communautés, sept autres indicateurs permettent de juger de la transparence éditoriale d’un média.
Selon Sally Lehrman, la diversité n’est pas la seule clé pour construire un journalisme qui soit digne de confiance. Une vérification concrète des informations, un lien direct avec le public et une transparence sur les méthodes de production sont autant de manières d’assurer des productions journalistiques qualitatives et instructives.
Crédit photo : Keystone
Par Estelle Liechti
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours “Production de formats journalistiques innovants”, dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.