Leadership dans les médias: le top-down est has been

Feedback, coaching ou mentoring. Des mots anglais à consonance barbare mais remplis de sens pour les futurs journalistes. Retour sur la conférence How journalism leaders learn au Festival international de journalisme 2022, à Perugia, afin de réfléchir aux modèles de rédaction de demain.

« Apprendre ensemble, grandir ensemble. » Ce sont les premiers mots prononcés par Anita Zielina, directrice des initiatives stratégiques à l’école de journalisme Craig Newmark. Un constat autoporteur des solutions aux problématiques dont les rédactions sont confrontées aujourd’hui: comment rester compétitif dans un environnement en constante métamorphose?

Accorder plus de pouvoir aux journalistes

Pour les conférencières et conférenciers Lucy Kueng, François Nel et Anita Zielina, la solution est évidente. Les rédactions à succès d’aujourd’hui sont celles qui étaient prêtes à embrasser et accepter le changement. Pour cela, la figure de la rédaction en chef est centrale: elle doit être prête à délaisser le modèle top-down traditionnel, où les objectifs sont définis par la hiérarchie et sont ensuite développés par les branches inférieures, plus adapté à des environnements stables, et adopter délibérément un modèle tenant en compte des expériences et compétences à l’ensemble de la salle de rédaction. Les journalistes doivent participer aux prises de décisions importantes.

« Les rédactions doivent reconnaître que pour avoir des médias différents, il faut de la diversité parmi l’équipe qui prend des décisions importantes. »
François Nel, Professeur associé en Innovation des Médias et Entreprenariat
Crédit : Bartolomeo Rossi #ijf22

Repenser des nouvelles stratégies de gestion

Une solution difficile d’accès pour certains médias selon Lucy Kueng, chercheuse senior au Reuters Institute et à l’Université d’Oxford: « Il existe une culture du management très ancrée au sein du monde médiatique et il est encore compliqué pour certaines rédactions de s’en détacher. » Avec l’avènement du numérique, cette culture est révolue: des stratégies de management doivent être repensées pour dégager le plus grand potentiel de chaque journaliste. Pour Lucy Kueng, cela passe par des investissements dans le secteur de gestion de performances: réaliser des feedbacks continus, des formations coaching et des séances de mentorat. Ainsi, le journaliste de demain ne doit pas seulement être un très bon rédacteur, mais également un excellent manager.

« Un des plus grands atouts d’une rédaction à succès est
la capacité de mobiliser son cerveau collectif. Le défi est de savoir y recourir. »
Lucy Kueng, chercheuse senior à l’Institut Reuters et à l’Université d’Oxford
Crédit : Bartolomeo Rossi #ijf22

Créer un safe space au sein de la rédaction

Selon Anita Zielina, il est nécessaire d’instaurer une atmosphère de bienveillance au sein d’une rédaction: « Parfois, il est difficile pour un rédacteur en chef d’assumer qu’il n’a aucune idée de ce qu’il est en train de faire et qu’il a besoin d’aide. » Une pression liée au stress engendré par un environnement qui change constamment et par un modèle top-down qui laisse peser beaucoup de responsabilité sur les épaules du rédacteur en chef. Le leader doit être résilient et avoir une vue d’ensemble de son équipe pour pouvoir faire appel au bas de la hiérarchie et mobiliser les expériences et spécialités de chaque journaliste.

« On ne peut pas être un expert en tout. Il faut avoir une vue d’ensemble pour savoir qui mobiliser pour s’occuper d’une problématique particulière au sein d’une rédaction. »
Anita Zielina, directrice des initiatives stratégiques à
l’école de journalisme Craig Newmark »
Crédit : Bartolomeo Rossi #ijf22

La création d’un safe space passe également par la création de politiques de protection. C’est la conclusion à laquelle sont arrivées les lauréates de l’événement Women in News Leadership Award en 2021, un prix qui récompense les rédactrices en chef ayant impacté positivement la société. La lauréate Edyth Kambalame, éditrice au The Nation of Sunday, au Malawi, propose notamment l’instauration de politiques contre l’harcèlement sexuel:

« Si vous avez déjà affaire à des rédactions où les femmes sont moins nombreuses et où le système de soutien est limité, elles n’auront d’autre choix que de partir. Pour lutter contre ce phénomène, les rédactions doivent mettre en place des politiques de lutte contre le harcèlement sexuel.« 

Edyth Kambalame

Le journalisme de demain compte son lot de défis. Avec l’avènement du digital, il est devenu nécessaire de mobiliser les compétences de l’ensemble d’une rédaction pour rester compétitif dans le marché journalistique. Ainsi, les rédactions ne peuvent plus se reposer sur leur hiérarchie: en adoptant des modèles plus horizontaux, où chaque journaliste peut contribuer avec son savoir-faire personnel, les rédactions sont non seulement plus représentatives de la société, mais également plus compétitives. Pour que ce changement ait lieu, la figure du rédacteur en chef est centrale: il doit incarner cette volonté de changement et d’apprentissage constant dans un environnement instable.

Un guide pour optimiser sa rédaction

Au vu de l’évolution de la branche, le rédacteur en chef doit autonomiser les journalistes au sein de son équipe pour rester compétitif sur le marché. À l’occasion de la conférence Ten things I’ve learned about leadership, Lucy Kueng et trois conférencières pionnières de l’innovation reviennent sur leurs expériences respectives. Voici 5 conseils qu’elles jugent indispensables pour créer une rédaction performante.

Crédit de l’image mise en avant : Mohamed Hassan

Par Francisco Carvalho da Costa

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Production de formats journalistiques innovants », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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