« Plus de 58 millions de personnes ont voté pour Trump. Je n’en connais aucune. » Cette phrase du journaliste Matthew Hughes sur le blog The Next Web résume parfaitement l’état d’esprit d’une frange importante de la population après l’élection du Républicain américain le 8 novembre 2016.
Le journaliste explique : « Comme la plupart des gens, je vis dans une bulle que j’ai créée, où les seules perspectives que je croise sont similaires aux miennes. » Ainsi, Hughes, bien que fortement informé sur les élections, n’a jamais pu entrevoir la possibilité d’une victoire de Trump, tant ses fils d’actualité sur les réseaux sociaux montraient des sujets pro-Clinton et anti-Trump.
« Mon flux Twitter est une liste organisée de 920 personnes avec lesquelles je suis susceptible d’être d’accord. Comme la plupart des gens, je vis dans une bulle de filtres de ma propre création, où les seules perspectives auxquelles je suis exposé sont similaires aux miennes. » Matthew Hughes
Ces bulles de filtres (ou bulles filtrantes) ont été conceptualisées en 2011 par un américain spécialiste des questions de nouvelles technologies : Eli Pariser. Dans son ouvrage The Filter Bubble: What the Internet Is Hiding from You, le militant de 36 ans décrit comment les algorithmes ont changé notre vie.
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Les algorithmes Internet, notamment sur les réseaux sociaux mais aussi sur Google par exemple, repèrent précisément nos préférences. Ils le font grâce aux très nombreuses traces que l’on laisse sur le Web. Une fois ces préférences enregistrées, nous avons en quelques sortes un profil Internet avec des informations bien plus complètes que celles qu’on laisse volontairement. Avec ce profil, qui s’actualise en continu, les réseaux sociaux et les moteurs de recherche peuvent nous proposer ce qui est le plus susceptible de nous plaire.
La révolution de la personnalisation
Google a pour la première fois annoncé, dans une relative discrétion, la création de ces recherches personnalisées en décembre 2009. Eli Pariser raconte : « L’annonce de Google a marqué un tournant d’une révolution importante mais invisible dans la façon dont nous consommons l’information. On peut dire qu’en ce 4 décembre 2009 commença l’ère de la personnalisation. »
Nous nous enfermons donc tous dans une bulle. Nous ne voyons que ce qui nous plait et nous évitons ainsi les informations en contradiction avec nos idées. Ainsi, un électeur repéré comme démocrate par les algorithmes ne verra que très peu, voire pas, de publications pour Donald Trump. Au contraire un électeur fiché comme républicain verra très majoritairement les informations, publications, commentaires favorables à l’actuel président des Etats-Unis.
Quels problèmes se posent alors ? « A force de se conformer à la trace numérique des individus, on les réduit à un comportementalisme bête et régressif en prétendant donner aux individus uniquement ce qui leur convient dans une logique d’utilité et d’efficacité », explique Dominique Cardon, sociologue spécialiste des questions de démocratie sur Internet.
L’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis a cependant permis de bouger quelque peu les lignes. En effet, les grandes entreprises numériques ont pris conscience du danger. Ainsi, Bill Gates, patron de Microsoft, réalisait que les réseaux sociaux « vous permettent de vous assembler avec des gens partageant vos idées, de sorte que vous ne vous mêlez pas, ne partagez pas, ne comprenez pas les points de vue des autres ».
Même son de cloche du côté de Facebook et de son créateur Mark Zuckerberg : « Je m’inquiète à propos de ces sujets [ndlr : bulles de filtres et fake news] et nous les avons étudiés en profondeur ».
Ces prises de consciences sont un premier pas vers une réflexion plus aboutie sur le sujet. Mais de là à imaginer un changement profond des algorithmes qui rapportent tellement d’argent à leurs entreprises …