Samuel Progin est pêcheur professionnel à Hauterive depuis 33 ans. Chaque matin, il embarque pour attraper corégones, perches et autres ressources du lac de Neuchâtel. Reportage dans le cadre de notre Masterclass internationale: Immersion 24h dans Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds
Le bâtiment ressemble à une carrosserie de voitures. À l’intérieur, campent un large bateau en aluminium et une barque de taille plus modeste. À l’arrière, une pièce dédiée à la découpe des poissons. Au fond, un espace plus intime avec un lit, un bureau, un buffet, des vestes d’hiver et des bottes. Tout laisse à penser que pour Samuel Progin, la pêche est plus qu’une activité professionnelle. C’est un mode de vie à part entière. Chaque jour, il arrive à 6 heures 30 précises. Le temps de garer sa camionnette, il investit sa deuxième maison. À 49 ans, cela fait plus de trois décennies qu’il se consacre à ce métier sans manifester la moindre lassitude. À l’entendre raconter ses sorties, Samuel est un pêcheur né.
Il embarque avant que le soleil ne se lève et commence par jeter à l’eau les poissons morts et les abats de la veille, repérés par les mouettes qui l’accompagnent dans son périple. Il immerge ensuite les filets à perches près du bord. Ensuite, il s’éloigne vers le large pour lever ceux des corégones. Bavard, il raconte son parcours et celui de son fils, devenu lui aussi pêcheur professionnel. Passionnés, ils passent outre les difficultés du métier. La soif de liberté est trop forte. Pêcher au même endroit pendant plus de 30 ans l’a convaincu qu’il pourrait le faire partout ailleurs.
La récolte du jour est faible, la pêche de l’année a été catastrophique. Une des pires de sa carrière. La faute à son plus grand concurrent, le cormoran. Le prédateur est surprotégé par les associations écologiques. Alors que le pêcheur remonte un filet, une nuée de ces oiseaux noirs passe soudainement devant son bateau. Samuel en perd littéralement la parole. Les principaux responsables du déclin de son activité s’apprêtent à avaler des centaines de poissons. À cause d’eux, les filets lui reviennent de plus en plus légers.
Léo Schaller avec Kathy De Schryver, Lorène Mesot, Léa Ménard
L'ENCADRÉ RÉFLEXIF:
Un pêcheur travaille la plupart de son temps seul, et le journaliste qui s’apprête à le rencontrer doit en être conscient. On ne sait pas si on va faire la connaissance d’une personne peu bavarde, ou plutôt réjouie à l’idée d’accueillir un inconnu le temps d’une matinée de pêche. Quoi qu’il en soit, nous serons longtemps tous les deux sur un bateau. Dans ces moments-là, on n’imagine pas à quel point l’évocation des souvenirs de pêche de chacun peut rapprocher. C’est plus une réelle envie de se trouver des points communs qu’une obligation de dialogue, au contraire.