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Militantisme mis en scène

Faire une performance théâtralisée pour dénoncer la « culture du viol » ? C’est ce que proposait le collectif féministe chilien LASTESIS au Festival Onirique des Libertés à Lausanne le samedi 16 octobre 2021. Comment expliquer ce succès ? Décryptage.

 « Un violeur sur ton chemin » : une performance réalisée plus de 350 fois dans une cinquantaine de pays. Elle devait se limiter à la ville de Valparaiso, sur la côte chilienne. Les révoltes populaires au Chili en 2019 et les réseaux sociaux en ont décidé autrement : les vidéos de la performance deviennent rapidement virales. Daffne Valdés, Sibila Sotomayor, Paula Cometa et Lea Cáceres, membres du collectif féministe LASTESIS à l’origine de la performance, peinent à expliquer ce succès, de leur propre aveu. Leur objectif de départ consistait à vulgariser des théories féministes dans la rue. Leur mise en scène permet de les rendre accessibles au plus grand nombre. Un objectif qui prend une ampleur internationale : LASTESIS effectue une tournée militante en Europe. Le retour au Chili n’est prévu que pour décembre. En attendant, leurs valises se sont posées à Lausanne : le Festival Onirique des Libertés (FOL) a invité le collectif pour une soirée « Art, féminisme et activisme ». Une centaine de personnes de tout âge, hispanophones ou francophones, ont pris part à un atelier sur les violences sexuelles.

Libération de la parole

Des gestes simples, des paroles percutantes, un rythme entrainant et une théorie sur le « mythe patriarcal » : tels sont les ingrédients du succès d’« Un violeur sur ton chemin ». Le collectif suit la même recette pour concevoir l’atelier proposé dans le cadre du FOL. Daffne et Lea ont lu au public des extraits de thèses féministes sur la loi du silence soumise aux victimes de violences sexuelles. Ceci résonne avec le vécu des participantes. « Les textes me parlent et m’ont rappelé ma propre situation. J’aurais aimé pouvoir en parler et me confier avant, mais les sentiments de honte et de culpabilité étaient plus forts », confie une participante en espagnol. Malgré la gravité du sujet, l’ambiance semblait détendue et « forte », selon Marie*, une autre participante. Pour elle, les échanges et partages avec autrui ont contribué à une meilleure compréhension des messages féministes de l’atelier. C’est peut-être là la clé du succès de LASTESIS. Le collectif promeut la libération de la parole des victimes, dans un contexte Me Too loin d’être terminé. Deux jours avant le FOL, des danseuses brisaient l’omerta régnant dans leur compagnie dans le journal Le Temps.

Création de performances

Après les témoignages, prennent place des activités autour de la loi du silence : d’un côté, un atelier manuel. De l’autre, un atelier autour des corps. A la suite d’exercices insolites, comme se faire des massages pour se détendre, des groupes hétéroclites ont été formés afin de créer de l’art militant. Les participants ont su, après une dizaine de minutes ensemble, créer des collages ou monter de petites performances. Des mots tels que sororité, révolution, grève féministe ont retenti dans la salle sur fond d’applaudissements. Les autres collectifs féministes présents dans la salle n’ont pas manqué de remercier LASTESIS de « montrer l’exemple ».

Prénom d’emprunt*

Crédits photos : Jessica Monteiro

Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours "écritures informationnelles", dans le cadre du master en journalisme de l'Académie du journalisme et des médias (AJM) de l'Université de Neuchâtel.

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