Le kombucha, la boisson fermentée devenue tendance en Amérique du Nord arrive peu à peu en Europe. En Suisse romande, deux entreprises en produisent déjà. Ce thé pétillant va-t-il remplacer les sodas et les limonades ?
Le kombucha, c’est quoi ? Vous vous posez peut-être la question et vous n’êtes pas seul. Alexandre de França, l’un des entrepreneurs à la tête de Tchaa Kombucha, explique que “8 personnes sur 10 en dehors du petit cercle des connaisseurs” lui demandent ce que c’est lorsque il parle de son produit. Avant de savoir si le kombucha va prendre la place des sodas, Jalloul Bouajila, chercheur à l’Université Paul Sabatier à Toulouse, nous en dit un peu plus sur ce thé qu’il a étudié pendant 4 ans.
Le kombucha vient de l’Asie et de l’Amérique du Sud. C’est un thé fermenté très particulier car il contient autant de levures que de bactéries. Selon le scientifique, ce phénomène est très rare car généralement l’un domine l’autre. La boisson fermente au minimum entre dix et quatorze jours. Ensuite, la quantité de sucre, d’éthanol et de métabolites dans la boisson devient stable. Cette culture symbiotique de bactéries et de levures est appelée Scoby.
Cette étude sur le kombucha a été lancée par plusieurs scientifiques à la suite d’une demande d’une entreprise française qui avait de la difficulté à rendre les fermentations reproductibles. En effet, plusieurs facteurs rendent le processus difficile à maîtriser, comme la dimension des récipients utilisés lors de la production ou encore l’environnement dans lequel est stocké le thé pétillant.
Les facteurs de risque
Le fait de changer de taille de récipient, par exemple, déstabilise la solution. Quand on passe la boisson du récipient de fermentation à la bouteille d’où l’on va boire, la différence de hauteur ou de diamètre va avoir un effet sur la stabilité. L’environnement dans lequel va être stocké le kombucha pendant la fermentation a aussi une incidence sur l’équilibre dans la solution. Les bactéries se nourrissent des particules dans l’air. C’est pour cette raison qu’un environnement riche en oxygène et un environnement complètement hermétique ne vont pas nourrir les bactéries de la même manière.
En général, si on fait le kombucha dans la cuisine, il n’y a aucun souci.
Jalloul Bouajila
Ce manque de contrôle peut faire peur. Par exemple, des cas d’intoxication ont été signalés lors de la consommation d’une boisson fermentée similaire, le kéfir. De rares cas relatifs à celle du kombucha sont aussi connus. Selon le scientifique, l’intoxication se passe dans un environnement où des bactéries pathogènes sont présentes. En effet, de simples bactéries ne sont pas dangereuses. C’est pourquoi l’endroit où est entreposé le kombucha est important car si les bactéries qu’il contient ne sont pas pathogènes, celles dans l’air peuvent l’être.
Des bienfaits réels ou inventés?
Plusieurs personnes ont commencé à boire du kombucha pour améliorer leur santé. Les entreprises les mettent en avant pour vendre leurs produits. S’agit-il de réelles informations ou seulement de mythes ? Retour sur les bienfaits les plus populaires sur internet :
Popularité grandissante en Suisse
Le thé kombucha a d’abord été très en vogue aux Etats-Unis et au Canada en 2018. Cela est notamment dû aux communautés “healthy” de plus en plus nombreuses sur les réseaux sociaux qui ont popularisé la nourriture fermentée comme la choucroute ou le kombucha. Ainsi, les ventes de ce thé ont connu une explosion entre 2013 et 2018 de 240% en Amérique du Nord. Puis, la tendance s’est exportée en Europe. En été 2020, le mot “kombucha” a connu un pic de recherche sur Google en Suisse:
Prendre le pouls du marché Suisse en interview
En Suisse romande, deux entreprises, l’une lausannoise et l’autre jurassienne, surfent sur la tendance. Pour comprendre comment se porte le marché du kombucha en Suisse, co-fondateur de Tchaa Kombucha, Alexandre de França a accepté de répondre à nos questions:
Quand et pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans la production de kombucha ?
Mon associé Diego et moi-même avons toujours partagé la même passion pour l’entreprenariat. Me concernant, cela faisait déjà une bonne dizaine d’années que l’idée de créer une boisson me trottait dans la tête. J’ai toujours apprécié le travail de design et de marketing que font les nouvelles marques de boissons pour sortir du lot. Pourquoi du kombucha ? Cela faisait très longtemps que j’éprouvais des difficultés à trouver une alternative saine aux sodas. Nous avons décidé de trouver une solution à cela en proposant une boisson à la fois saine mais également savoureuse.
Avant de vous lancer, quelles ont été les études de marché que vous avez faites ?
Nous avons appliqué le lean startup. Il s’agit de tester un produit, valider le besoin et expérimenter via des feedbacks lors de chaque phase d’évolution de l’entreprise. Pour ce faire nous avons d’abord commencé par notre entourage. Cette première étape validée via des feedbacks positifs, nous avons eu la chance d’être accueillis dans les marchés locaux à Court (BE) puis à Delémont (JU) et alentours pour nos premières expérimentations sur le terrain.
Depuis la création de l’entreprise jusqu’à maintenant comment le marché suisse a évolué ?
De plus en plus de personnes savent maintenant ce qu’est le kombucha mais aujourd’hui encore 8 personnes sur 10, en dehors du petit cercle des connaisseurs, nous demandent ce que c’est lorsque nous parlons de notre produit. En conclusion, il s’agit encore d’un marché de niche en Suisse. Notre travail est de faire connaître ce produit au plus grand nombre afin de partager notre plaisir de consommer quelque chose de bon qui nous fait du bien.
Pensez-vous que cette boisson qui donne de l’énergie est en train de prendre la place des sodas ou des limonades ?
Nous pensons que cela va prendre des parts de marché aux fabricants de sodas, eaux aromatisées et limonades. Le consommateur recherche avant tout le plaisir, souvent au détriment de sa santé lorsqu’il choisit une boisson sucrée dans un commerce. Selon nous, le kombucha fait le tour de force d’allier plaisir et santé dans un produit.
Pensez-vous qu’il s’agit “juste” d’un effet de mode qui va s’estomper avec le temps ?
Nous avons la conviction que pour beaucoup de consommateurs cela restera une alternative de choix sur le long terme. Son essor est selon moi lié à la tendance globale de vouloir vivre et s’alimenter plus sainement qui ne fait que croître depuis une décennie. Je suis persuadé que cette tendance perdurera et poursuivra sa croissance.
Alors, le kombucha, venu pour rester ?
Même si Alexandre de França est plein d’espoir, le thé fermenté risque de rester un produit de niche. Il est trop tôt pour tirer une véritable conclusion mais l’exemple du Canada montre que l’intérêt du début s’estompe petit à petit. La nouveauté attire mais le prix du kombucha, plus élevé que celui des sodas, ne convainc pas encore les adeptes de boissons pétillantes.
Toutefois, pour celles et ceux qui veulent essayer le kombucha sans se ruiner, il est possible de le préparer à la maison. Il suffit de se procurer le champignon à la base du kombucha, le scoby. Cette souche se nourrit du sucre et du thé qui sont ajoutés dans la première phase de fermentation. Cela donne une boisson pétillante au goût plus ou moins vinaigré qui rappelle le cidre. La fermentation dure en moyenne de dix jours à six semaines jusqu’à l’équilibre souhaité entre le goût vinaigré et la douceur du sucre.
Par Andreia Portinha Saraiva
Ce travail journalistique a été réalisé dans le cadre du Master en journalisme et communication (MAJ)
Crédit photos : Katherine Sousa