A l’occasion du festival onirique des libertés qui s’est tenu à Lausanne du 8 au 15 octobre dernier, la célèbre chanteuse de Bullerengue Ceferina Banquez donnait un concert. Zoom sur ce chant résistant, porté par la voix des femmes.
« Je ne chante pas du romantique, je chante le Bullerengue traditionnel », déclarait Ceferina Banquez vendredi 14 octobre avant de monter sur scène. A 80 ans, celle qu’on surnomme « la reine du Bullerengue » était à l’affiche du festival onirique des libertés (FOL) de Lausanne.
Héritage culturel
Dans son pays natal qu’est la Colombie, Ceferina Banquez grandit avec 4 frères qui s’intéressent à différents rythmes et chantent des classiques de la langue espagnole. Elle s’essaie donc au Bolero puis croise la route du Bullerengue et c’est le coup de foudre. Ce chant afro-ancestral porté par la voix des femmes et accompagné de percussions et de chœurs contient un héritage culturel fort qui conquit la chanteuse.
Elle commence par chanter dans les villages colombiens et se tourne ensuite vers la scène. Dans ses chansons, Ceferina veut faire revivre cette musique traditionnelle aux racines africaines qui s’est transmise à travers les époques.
Les premiers chants de Bullerengue remontent aux femmes rendues esclaves dans la région des Caraïbes colombienne. Si à l’époque, les compositrices de ces chants écrivaient sur la vie quotidienne, la faune et la flore, les sources d’inspirations ont évolué au fil du temps.
Bullerengue et féminisme
« Aujourd’hui, ce genre de musique a une valeur différente » déclare Roberto Torres, responsable du FOL, « certaines cantadoras (chanteuses en espagnol) y parlent de la lutte féministe et des problématiques de genre ». Transmis entre les femmes, ce chant constitue un écho de leur voix. Il inscrit les souffrances et les difficultés que les femmes rencontrent dans leur quotidien et a été un moyen de résister à la misogynie.
A une époque où les femmes enceintes, veuves ou encore les filles de joies étaient privées de fêtes religieuses, le Bullerengue était leur moyen de célébrer clandestinement, en marge de ceux qui les rejetaient. Si ce chant « permet de dénoncer le machisme dans le pays » comme l’explique Roberto Torres « c’est avant tout une manière de chanter contre la violence et pour la paix ».
Un hymne de paix de retour
La démocratisation du Bullerengue est récente. Ce rythme est parvenu à notre époque grâce à la volonté d’un petit nombre à faire perdurer cet héritage culturel. « Uniquement connu dans les communautés afro-colombiennes de la région des Caraïbes, ce n’est qu’à partir des années 1960-70 que les Colombiens commencent à découvrir ce genre de musique », explique Roberto Torres. Encore aujourd’hui, elles sont peu de femmes à chanter cet hymne de paix.
Lorsqu’on demande à Ceferina Banquez comment elle se sent à l’idée de chanter pour la première fois devant un public suisse, elle esquisse un sourire et confie son envie de faire rayonner ce rythme ancestral à l’international. Pari réussi pour la reine du Bullerengue qui a fait danser le public lausannois.
Par Salomé Laurent
Photo mise en avant : Andrez Villalobis
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Publication, édition et valorisation numérique », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.