La journaliste italienne Giulia Blasi aborde la problématique du genre au sein des rédactions et de leur ligne éditoriale. Elle pointe du doigt les travers de la société patriarcale et les biais du discours langagier.
Impossible de parler de médias et de genres sans évoquer la prépondérance du langage dans la construction des rapports entre hommes et femmes. La langue est à la fois l’outil et le reflet d’un plafond de verre encore bien réel.
Langage et culture, (dé)construction mutuelle
Le français, comme l’italien et l’espagnol, est profondément marqué par la dimension genrée de sa grammaire. Par exemple, la fonction de présidente n’est toujours pas reconnue par l’Académie française qui précise que “la distinction des sexes n’est pas pertinente pour rendre compte de la différence entre les genres grammaticaux.”
Cette affirmation, la journaliste Giulia Blasi la réfute: “Le changement culturel passe par un cercle vertueux, qui relie la narration, le changement et le langage. Les grands médias sont responsables de la narration du monde. Les journalistes sont appelés à faire des choix de vocabulaire qui influencent et orientent le regard du public.” Pour changer les mentalités, Giulia Blasi a lancé en 2017 le mouvement #quellavoltache, une campagne dédiée à la lutte contre le harcèlement sexuel et qualifiée d’équivalent italien du mouvement #metoo. C’est surtout au travers de cette initiative, la première du genre en Italie, qu’elle a su toucher un plus large public.
Mettre des mots sur des maux
Les journalistes sont responsables de coucher le bon mot sur leur papier. Mais ils contribuent aussi à un changement plus large dans les rédactions… et au sein des lignes éditoriales. Giulia Blasi ajoute:
“Pour moi c’est important que les jeunes femmes se saisissent de ces enjeux, car celles qui entendent aujourd’hui ce message seront peut-être à la tête de journaux demain”
La presse a un rôle de catalyseur à jouer. Repenser les mots qui composent une nouvelle revient à en reconsidérer le sens. L’écriture inclusive, qui propose d’inclure en permanence les 2 genres, est-elle une piste à explorer pour les rédactions? “Disons la vérité, c’est illisible”, répond tout de go Giulia Blasi. “Je comprends ceux qui l’utilisent, mais le changement doit être porté par le message, pas forcément par la forme. Pour moi, si la langue sonne mal, c’est un drame.” Voilà qui devrait réconcilier l’Académie française avec l’évolution inclusive de la langue.
“Se cacher derrière la langue est trop facile, car en réalité le changement doit être culturel”, rappelle la journaliste. En suédois il y a des genres, mais la société suédoise péjore moins les femmes que les pays latins par exemple.” Il n’empêche qu’un langage “plus inclusif et un peu moins crétin” reste une étape fondamentale dans l’évolution des mentalités.