De plus en plus de jeunes se tournent vers un régime végétarien. Parmi eux, nombreux sont ceux qui intègrent des « fausses viandes » à leur alimentation. Ces viandes qui n’en sont pas, rencontrent un franc succès. Retour sur une innovation alimentaire.
Un parc ensoleillé, le plein air, des rires, et une odeur… de grillades. Une scène commune, propre aux beaux jours. Mais à l’heure où de plus en plus de jeunes se tournent vers un régime sans viande, cette scène est-elle encore d’actualité ?
Certains répondent par l’affirmative, car pour se livrer aux plaisirs du grill, plus besoin d’être carnivore. Au-delà des classiques légumes grillés, un produit a fait son arrivée : la fausse viande, à savoir des aliments transformés à base de divers ingrédients d’origine végétale, du quorn aux lentilles. Et on y croirait presque.
Commencer par arrêter
Pour les végétariens, la sortie d’un régime omnivore s’explique souvent par divers facteurs. Chez les jeunes, beaucoup insistent sur des raisons d’ordre écologique. D’autres évoquent un aspect plus éthique, justifiant leur démarche par un idéal antispéciste où la supériorité de l’humain sur l’animal est contestée.
Dans tous les cas, le passage à une alimentation sans viande n’est pas une mince affaire. « Être végétarien, c’est tout un apprentissage », explique l’ethnologue Jérémie Forney.
Le nerf de la guerre est de réussir à conserver une alimentation variée et saine. Un équilibre qui demande un effort à plusieurs niveaux : il faut être créatif dans l’utilisation des aliments, mais également conscient des éventuelles carences.
Les substituts véganes, à l’instar de la fausse viande – qui en copie la forme et la saveur – semblent justement faciliter cet apprentissage. Les adeptes de fausse viande peuvent se passer d’un aliment, sans avoir à entièrement réinventer leurs manières ni de consommer ni de cuisiner.
La sociabilité con carne
Cependant, la viande continue de jouer un rôle majeur dans nos régimes occidentaux, en particulier de par son côté festif. Elle reste ainsi au cœur de nos pratiques alimentaires, comme sociales. C’est ce qu’explique Jérémie Forney :
« Toutes les fêtes ont leur viande. Mais même au-delà de Pâques ou Noël, c’est compliqué de renoncer à la viande. Le refus du partage est un problème que les végétariens évoquent souvent. On peut ainsi imaginer que la fausse viande est un substitut qui permet de négocier cette transgression à l’ordre social. »
Jérémie Forney, ethnologue
Le choix de la fausse viande est donc plus qu’une affaire de goût :
Des jeunes le racontent : c’est souvent l’aspect social et symbolique qui prime. Ces viandes factices aident à conserver certains rituels. Par exemple, lors de grillades ou de soirées tacos entre amis, ces substituts permettent aux végétariens de ne pas se sentir exclus de la fête. Ils peuvent faire comme s’ils consommaient des produits similaires au reste du groupe. Un sentiment de non-exclusion sur lequel revient l’ethnologue :
« Avec de la fausse viande, on peut se rendre sur le barbecue et poser quelque chose. Elle permet d’individualiser le choix, sans confronter les autres à son refus d’être carnivore. Elle permet aussi la discrétion, et non la confrontation. Il faut dire que souvent autour des débats concernant le végétarisme, on sent des tensions. »
Est-ce vraiment parti pour le faux ?
Si beaucoup de jeunes se tournent vers ces alternatives végétales, certains résistent :
Derrière ce refus de « consommer faux », plusieurs raisons. D’une part, un produit végane ne signifie pas qu’il est écologique. Or, c’est souvent une conscience environnementale qui pousse à l’arrêt de la viande.
De plus, les aliments transformés tels que la fausse viande, sont pour la grande majorité produits en dehors du pays : il y a donc des coûts écologiques à leur importation.
Pour d’autres, le végétarisme doit justement pousser à largement réinventer nos manières de s’alimenter et de cuisiner. Il s’agit de sortir de pratiques où la viande reste un élément clé de nos assiettes : y substituer du faux, ne serait donc qu’un leurre, qui ne viendrait pas bousculer nos façons de consommer.
Par Adriana Stimoli
Ce travail journalistique a été réalisé dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.
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