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Ces nouvelles technologies qui réunissent agriculture conventionnelle et biologique

Un tracteur déverse un pesticide, du glyphosate, sur les cultures. Crédit photo : maxmann

Le 13 juin prochain, le peuple suisse se prononcera sur l’initiative « Anti-pesticides » qui demande l’élimination des pesticides de synthèse, notamment dans la production alimentaire, avec une période de transition de dix ans. Défenseurs de l’agriculture conventionnelle d’un côté et partisans de l’agriculture biologique de l’autre se divisent sur ce sujet. Ces deux mondes bien différents se tournent aujourd’hui pourtant vers un allié commun : les nouvelles technologies mises au service de l’agriculture.

Nicolas Jeanneret, agriculteur de Brot-Plamboz, fonctionne sur le modèle de l’agriculture conventionnelle, avec l’utilisation de pesticides de synthèse, appelés aussi pesticides chimiques. « En Suisse, on veut nous faire produire le moins possible et qu’on pollue le moins possible. On nous dit que c’est mieux de passer au bio. Je ne suis fondamentalement pas contre mais il y a de gros inconvénients à cela. » L’agriculteur cite :

  • Une perte de rendements d’environ 50% (sauf durant les trois premières années où les agriculteurs ont encore le droit d’utiliser des engrais minéraux) suite à la non-utilisation de pesticides chimiques.
  • Le coût du produit. Il doit être vendu à un certain prix. Une partie de la population peut payer des produits plus chers mais pas toute la population.
  • Davantage de contraintes et de règles à respecter pour être reconnu comme agriculteur bio.
  • La main d’œuvre supplémentaire pour aller aux mauvaises herbes par exemple, alors que les employés sont déjà difficiles à trouver.

L’agriculture bio respecte plus l’Homme avec un grand H

Josy Taramarcaz

Pour Josy Taramarcaz, conseiller agricole aujourd’hui retraité, la quantité de travail exigée par l’agriculture biologique peut être vue comme un point positif. « Ce type d’agriculture demande certes plus de boulot. Mais est-ce que c’est vraiment un point négatif au jour d’aujourd’hui où il y a tellement de gens au chômage ? », se demande-t-il. Josy Taramarcaz a toujours plaidé en faveur de l’agriculture biologique, celle qui recourt aux pesticides naturels. « J’ai l’impression que l’agriculture bio (AB) respecte plus l’Homme avec un grand H », dit-il. Il voit de nombreux avantages dans l’agriculture biologique :

  • Santé : nourriture sans résidus de pesticides de synthèse et avec plus d’antioxydants.
  • Environnement : moins d’impact sur la nature, le sol, l’eau, le climat… pour la production agricole en amont (moins d’agrochimie, moins d’énergie pour la fabrication des engrais, pour l’engrais azoté en particulier) et en aval (transformation plus douce des produits agricoles avec moins d’additifs dangereux).
  • Personnel : plus d’indépendance vis-à-vis des firmes et plus intéressant selon lui car il faut chercher des solutions plus globales pour résoudre les problèmes au lieu de les sortir plus ou moins toutes faites d’un flacon d’une firme agrochimique.
  • Qualité des produits : plus de vitamines, plus d’antioxydants, moins de résidus de pesticides.

Je suis extrêmement intéressé par les nouvelles technologies 

Nicolas Jeanneret

Deux modes de fonctionnement différents qui cherchent à s’approprier les nouvelles technologies, en plein essor. Nicolas Jeanneret possède deux tracteurs équipés de GPS mais aussi un drone familial qu’il utilise dans son cadre professionnel. « Je vais chercher mes vaches avec mon drone. Elles entendent le bruit des hélices et rentrent à la maison. On est assez à la pointe. Cela fait plus de 20 ans qu’on a des robots de traite qui nous donnent plein d’informations pour voir si une vache est malade, si elle a de la température, si elle est en chaleur, si elle a une baisse de production… » 

Pour le moment Nicolas Jeanneret n’utilise pas de drones pour l’épandage. « J’y songe éventuellement pour semer de l’herbe. Pour ce qui est de la pulvérisation, on est en train de regarder ce qui existe sur le marché avec mon frère. »

A Yverdon-les-Bains, une boîte spécialisée dans la robotique a sorti un modèle un peu expérimental. Un robot de six mètres de large qui s’attelle au tracteur avec une cuve contenant du produit phytosanitaire. A l’aide de caméras, il reconnaît les plantes et les mauvaises herbes afin de cibler exactement ce qu’il faut. « Avec ce type de technologie, vous économisez à peu près 95% de produits. Si on déverse un produit sur une céréale ou sur une prairie, toute la culture est traitée et pas que la mauvaise herbe », relève l’agriculteur. « Prochainement, nous irons voir des démonstrations de ces robots-là. Je me réjouis de voir ce que c’est que cette machine qui traite plante par plante. Parce qu’on peut arracher les mauvaises herbes à la main mais sur des exploitations de 100 ha comme nous, c’est compliqué. »

Des nouvelles technologies à utiliser à bon escient

Quant à Josy Taramarcaz, il voit comme intéressant les techniques qui permettent plus de précision et de débit de chantier pour le travail d’entretien des cultures (semis, sarclages GPS, drones pour certains travaux, robots pour l’entretien des cultures…). Selon lui, les drones pour la pulvérisation sont importants pour des cultures comme les vignes ou pour l’épandage de trichogrammes, par exemple. « Pour l’agriculture bio, les drones d’épandage sont moins pertinents car ce type d’agriculture est surtout intensive en nature et utilise déjà moins d’engrais et de pesticides ».

« Il faut bien utiliser ces technologies et ne pas s’en rendre dépendant, comme nombre d’agriculteurs sont devenus dépendants des phytosanitaires, où ce sont les firmes qui décident de ceux mis sur le marché et des semences qui vont avec », poursuit l’ancien conseiller agricole.

Les nouvelles technologies ont donc des côtés intéressants pour l’agriculture (bio et non bio), mais elles ne remplaceront pas l’homme. 

« Les drones ne sont pas l’avenir de l’agriculture. L’avenir c’est l’homme, la paysanne ou le paysan qui réfléchit et utilise les moyens disponibles de manière sensée. Ça peut être un drone, l’agriculture connectée ou le travail manuel selon les cas », conclut Josy Taramarcaz.

Crédit photo : DJI-Agras

Par Arthur Roels

Cet article a été réalisé dans le cadre du Master en Journalisme et Communication (MAJ)

Crédit photo mise en avant : maxmann

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