Globalement, l’eau neuchâteloise est peu polluée. Les techniques d’analyse se sont affinées. Elles n’ont pas mis au jour de problématique particulière quant aux micropolluants liés à l’agriculture, thème des prochaines votations.
La Suisse votera en juin sur deux initiatives qui veulent réduire l’usage de pesticides dans l’agriculture. L’un des arguments évoqués est le danger de contaminer l’eau potable. Quid de celle qui provient du lac et des gorges de l’Areuse et qui alimente les robinets neuchâtelois ? Est-elle propre? La réponse est: oui.
Oui, mais…
Avec toutefois quelques nuances. La société de distribution d’eau Viteos SA, propriété des villes du canton, teste et reteste chaque année l’eau sous toutes ses coutures. Pour la ville de Neuchâtel, en 2020, 723 échantillons ont été passés au crible.
Résultats: 219 n’étaient pas conformes. Certaines substances dépassaient un seuil limite fixé par la loi. Faut-il s’en inquiéter? Le laboratoire d’analyse de Viteos SA se veut rassurant. « En dehors de ces non-conformités sans danger pour la santé des consommateurs, la qualité de l’eau du réseau de Neuchâtel a globalement respecté les exigences légales en 2020 », indiquait-il dans son communiqué annuel, publié en janvier 2021.
Ces échantillons non-conformes sont-ils dûs aux engrais et aux pesticides? La réponse est, cette fois, non.
Ils sont d’une autre nature. Toujours selon la documentation de Viteos SA, quelques micro-organismes se promenaient dans certains échantillons. On remarque surtout 156 cas de dépassements de la turbidité. Entendez par là de l’eau trouble, qui est dûe au limon qui se dépose avec le temps au fond des canalisations. Une eau circulant vite peut emporter avec elle une partie de ces dépôts. Pour y remédier, la solution est simple. Il suffit de rincer les tuyaux en maintenant la rapidité de l’écoulement.
La technique s’est affinée
Pas grand chose à signaler du côté des micropolluants, donc. Pourtant, les techniques qui permettent leur découverte sont devenues plus sensibles. Des produits de taille infime, qui auparavant passaient sous le radar des inspecteurs de l’eau peuvent désormais être décelés.
Ce qui a évolué, c’est qu’on détecte des concentrations très faibles, par exemple, des micropolluants. Nous pouvons voir plus de choses, notamment des métabolites, c’est-à-dire des sous-produits de la dégradation de produits chimiques.
Nicolas Eichenberger, chimiste responsable du contrôle de l’eau, Viteos SA.
Les concentrations maximales tolérées par la loi sont fixées sous le signe du principe de précaution. « Ainsi, nous pouvons détecter des problèmes en avance », précise Nicolas Eichenberger.
Des problèmes qui, pour l’heure sont quasiment inexistants. Il y a bien le cas d’un métabolite du fongicide chlorothalonil, potentiellement cancérigène, découvert en trop grandes quantités dans l’eau du lac. Mais comme celle-ci est mélangée à celle en provenance des sources de l’Areuse, la substance se retrouve en quantité négligeable dans le réseau de distribution.
Les nitrates, indicateur clé de la pollution
Pour savoir s’il y a un problème lié aux produits utilisés dans l’agriculture, on s’en remet surtout à un indicateur phare, qui est mesuré depuis plusieurs décennies: les nitrates. Ils existent à l’état naturel dans l’eau, mais dans de faibles proportions. Les engrais peuvent, par contre, faire exploser leur quantité.
Le nitrate n’est pas un problème en soi, mais un paramètre qui indique l’état de la ressource. C’est un traceur, qui nous permet de commencer à investiguer.
Nicolas Eichenberger
En effet, s’il y en une concentration anormale, cela signifie qu’il y a peut-être un problème quelque part et d’autres molécules indésirables dans l’eau.
De toute façon, il n’y a pas à s’inquiéter, car Neuchâtel n’est pas confrontée à une invasion de nitrates. Depuis des années, leur concentration est stable et bien en deçà des valeurs problématiques.
Dans l’eau traitée, la teneur se situe aux alentours de 6 milligrammes par litre, alors que la norme est de 40 milligrammes. Les sources des gorges de l’Areuse, qui fournissent une bonne partie de l’eau du réseau de Neuchâtel, présentent des valeurs similaires.
Aucun laisser-aller
Malgré ce bilan satisfaisant, les autorités et gestionnaires, dont Viteos SA, restent sur leurs gardes et cherchent même à améliorer autant que possible la qualité de l’eau.
On ne peut vraiment pas dire que l’eau s’est dégradée. Mais on devient de plus en plus sévère. A juste titre, les gens sont toujours plus intéressés à avoir de l’eau de bonne qualité.
Thierry Broglie, ingénieur dans le secteur des eaux chez Viteos SA.
Une exigence qui a poussé la commune de Neuchâtel à initier en 2015 une rénovation de fond en comble de la station de traitement de Champ-Bougin, afin de moderniser des installations devenues vétustes. Une partie du bâtiment avait été construite en 1947. Certains équipements dataient de 1967.
Que les deux initiatives soient acceptées ou non, que l’eau soit impure ou non, l’eau potable est et restera une préoccupation de taille. Pour ses consommateurs et ceux qui la gèrent.
Antoine Michel
Crédits photo: Andrew Ren / Unsplah
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours “Production de formats journalistiques innovants”, dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.