Les entreprises à la rescousse des parents

Les Tournesols à Neuchâtel est la crèche de l'entreprise du CSEM, elle garantit dix places pour ses employés.
Les Tournesols à Neuchâtel est la crèche de l'entreprise du CSEM, elle garantit dix places pour ses employés. (Photo : Cléa Robert)

La crèche des Tournesols à Neuchâtel accueille les enfants des collaborateurs du Centre Suisse d’Electronique et de Microtechnique (CSEM). Une structure semi-privée qui évite aux parents l’angoisse de la liste d’attente cantonale. Immersion dans cette crèche d’entreprise le temps d’un goûter.

La bruine tombait doucement et le fond de l’air était froid avant de passer la porte de la crèche des Tournesols à Neuchâtel. Dans une petite maison située à la rue Jaquet-Droz, la crèche d’entreprise du Centre Suisse d’Electronique et de Microtechnique, CSEM, accueille jusqu’à trente-cinq enfants par jour. La première chose qui frappe en entrant, c’est le bruit. Les cris joyeux d’une dizaine d’enfants déteignent avec l’ambiance morose et pluvieuse de dehors. Après le son vient l’image, des petites têtes blondes qui courent partout et jouent avec entrain. Une micro-société humaine qui semble fonctionner selon ses propres règles.

Parmi les enfants, dix ont des parents qui travaillent au CSEM, à deux pas de la crèche. Ces places sont garanties par l’entreprise pour ses employés. « Le nombre de places répond aux besoins de l’entreprise, explique Nathalie Beuchat la directrice de la crèche, en ce qui concerne les vingt-cinq autres places, ce n’est pas la même histoire. » Vingt-cinq bambins sont issus de la liste d’attente cantonale. Leurs places sont, pour la plupart, subventionnées par l’Etat et le manque d’offre se fait sentir. « Cette très longue liste est commune pour toutes les crèches subventionnées du canton. Beaucoup de parents sont en attente d’une place. »

La crèche d’entreprise, un modèle d’avenir ?

« Les crèches du canton sont à flux tendu, soupire Nathalie Beuchat, quand une place se libère, on prend la personne suivante sur la liste. Seules les fratries et les enfants dont les deux parents travaillent sont prioritaires. » Les crèches d’entreprise ne doivent pas faire face à ce genre de problèmes. « Je pense que c’est une solution d’avenir, poursuit la directrice, malheureusement, seules les grandes structures peuvent se le permettre. » Pour l’entreprise, la crèche représente un investissement duquel elle ne retire aucun bénéfice financier, si ce n’est un meilleur confort pour ses employés. « Je reçois tous les jours des coups de téléphones de parents s’inquiétant de ne toujours pas avoir trouvé de places, malgré s’être inscrit sur la liste cantonale il y a des mois. C’est une situation stressante pour eux s’ils ne bénéficient d’aucune structure à leur travail. En tant que jeune maman, je ne peux que comprendre leur situation, je l’ai aussi vécue dans le canton de Berne. Et ça représente malheureusement une majorité. »

« Ce qu’on fait, c’est un vrai métier »

Une odeur de gâteau sortant du four imprègne soudain toute la pièce. C’est l’heure du goûter, mais avant : « Allez les enfants, on range les jeux », s’exclame Maureen, assistante socio-éducative (ASE). Maureen a 21 ans et exerce ce métier depuis cinq ans. Après trois ans d’apprentissage, elle obtient son CFC, mais ne trouve pas tout de suite du travail. « Il y a énormément d’ASE qui sortent d’apprentissage pour le nombre de place à pourvoir dans les entreprises. En revanche, ils cherchent souvent des remplaçants. » Alors Maureen n’a pas d’autre choix que d’effectuer des remplacements à gauche à droite pendant une année. « Il y a six mois, j’ai enfin trouvé un poste fixe ici, alors j’ai sauté sur l’occasion. »

Travailler avec les enfants a toujours été une évidence pour Maureen. « Les gens ne se rendent pas compte des compétences nécessaires pour exercer cette profession. Notre métier ne se résume pas à jouer avec les enfants toute la journée, c’est infiniment plus complexe. »

Des conditions de travail en quête d’améliorations

« La profession subit un énorme manque de reconnaissance », poursuit Nathalie Beuchat. Pour le canton de Neuchâtel, c’est la loi sur l’accueil des enfants (LAE) qui légifère les conditions de travail, notamment en termes de quotas d’employés par enfants. Actuellement, il faut un adulte pour un maximum de huit enfants âgés entre deux et quatre ans et un adulte pour un maximum de cinq enfants en dessous de deux ans. « Je vous laisse imaginer passer huit heures de votre journée avec un groupe de huit jeunes enfants… », explique Nathalie Beuchat.

Entre le manque de place et des conditions de travail difficiles, il ne faut pas oublier qu’il y a les enfants. « Les premières années de vie sont déterminantes pour leur développement, ils ont besoin de stabilité et d’éveil », soutient Nathalie Beuchat. Les employés manquent parfois de temps pour prévoir des activités socio-éducatives adaptées à tous, mais aussi pour pouvoir offrir des moments individuels à chaque enfant. « On travaille beaucoup avec la gestion des émotions et des conflits. On fait beaucoup de retours aux parents et de soutien à la parentalité », se réjouit Nathalie. « Ce qu’on espère pour la suite, c’est que les politiques entendent nos revendications pour revoir la LAE. Les crèches ont entre leurs mains l’avenir du pays, c’est maintenant qu’il faut investir. »

Les enfants se font de plus en plus bruyants, le goûter semble terminé. Un à un, les marmots débarrassent leurs assiettes et se lavent les mains. Puis, l’air de rien, ils retournent jouer dans leur petit univers, loin des grandes considérations du monde des adultes.

Par Cléa Robert
Ce travail journalistique a été réalisé pour le cours « Atelier presse I », dans le cadre du master en journalisme de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.

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