La Chaux-de-Fonds à ciel ouvert
Par Salomé Laurent, Amélie Gyger et Yannick Cattin
La Chaux-de-Fonds à ciel ouvert
Par Salomé Laurent, Amélie Gyger et Yannick Cattin
20 décembre 2023
La métropole horlogère a été frappée par une tempête, le 24 juillet 2023. Certaines toitures sont encore en attente de réparation. Point sur la situation avec les couvreurs qui travaillent d’arrache-pied pour garantir un hiver au sec à un maximum de sinistrés.
En 2 minutes, la tempête de la Chaux-de-Fonds a tout emporté. (Image : KEYSTONE / JEAN-CHRISTOPHE BOTT)
Histoire d’un sinistre
24 juillet, 11h30. La tempête éclate sur La Chaux-de-Fonds. Amélie Chatellard, habitante de la cité horlogère, se trouve à la salle de sport, en plein centre-ville. Elle raconte le vent, si fort qu’il l’empêche de fermer les fenêtres. Des débris volent partout. Le manager de la salle ne semble pas effrayé par la scène. Il est collé à la fenêtre et filme le chaos extérieur. Deux minutes plus tard, la tempête est passée. En 120 secondes, la ville est transformée.
Amélie Chatellard : « Je me sentais déboussolée et impuissante. »
Quatre mois plus tard, Amélie Chatellard reste bouleversée. La jeune femme souligne une entraide sans bornes parmi les Chaux-de-Fonniers. Elle a, pour sa part, contribué aux nettoyages et à la remise en état des champs. Elle s’étonne cependant du peu d’information qui a circulé, et du manque d’empathie que lui a inspiré le reste de la Suisse.
Comme de nombreux monuments, le kiosque du Parc des Crêtets datant de 1904 a été endommagé par la tempête.
Des simples fuites d’eau aux toits dévastés, près de 5’000 immeubles ont été touchés sur les 7’500 qui se trouvent dans la zone de la tempête.
Dominik Schmidli, étudiant de 24 ans, se trouve avec des amis à Bâle au moment où la tempête frappe la ville qui l’a vu grandir. Son téléphone vibre. Les images s’enchaînent. La Chaux-de-Fonds est secouée par des éléments déchaînés. Il panique, compose le numéro de son frère. Il aura pour seule réponse la photo du toit de leur immeuble arraché.
Dominik Schmidli : « Je dois placer des saladiers dans le couloir quand il pleut. »
Aux portes de l’hiver, l’enjeu est de minimiser les risques d’infiltration. Un logement gagné par l’eau se fragilise à vive allure. L’humidité favorise la destruction des murs porteurs. Elle cause des dégâts structurels d’ampleur.
Pour sécuriser les toitures touchées avant le grand froid, le temps est compté et les moyens, eux, sont limités. Une dizaine d’entreprises seulement s’attèlent à mettre la cité horlogère au sec. Vincent Soguel, couvreur à La Chaux-de-Fonds, se dit «autant sous l’eau que les locataires».
Vincent Soguel : « On est sous l’eau, on n’arrive plus à suivre… »
Une chose est sûre : la main-d’œuvre manque pour mettre toutes les habitations de la cité horlogère au sec.
Charge mentale décuplée, agenda saturé, pression étouffante… Les nerfs des couvreurs sont mis à rude épreuve. Ces travailleurs de l’ombre, perchés sur les toitures, sont les garants d’un hiver au sec pour celles et ceux dont le toit a été touché. Leur quotidien a radicalement changé il y a quatre mois. La tempête a emporté avec elle les journées de travail moins fournies pour laisser place à un emploi du temps plein à craquer.
Le temps s’écoule. Les habitants s’impatientent. Les couvreurs savent que leur travail dépend des conditions météorologiques. À mesure que l’hiver s’approche, ils décuplent d’efforts.
Vincent Soguel : « On se fait quasiment insulter quand on n’arrive pas à venir pour quelques tuiles. »
La cité horlogère n’en est pas à sa première catastrophe naturelle. En 1926, un cyclone a ravagé La Chaux-de-Fonds et une partie des Franches-Montagnes. Seulement, à l’époque, aucune assurance n’existe pour couvrir les dommages. Un élan de solidarité national et des levées de fonds ont été organisés pour venir en aide aux sinistrés.
Près d’un siècle plus tard, la tempête du 24 juillet 2023 a, elle aussi, éveillé la solidarité des Suisses. Cependant, cette fois-ci, la situation est différente. La tempête est survenue dans un contexte de dérèglements climatiques. De tels épisodes sont-ils amenés à se répéter dans le futur ? À ce stade, la question reste sans réponse. Pour le Président de la commune Jean-Daniel Jeanneret, « l’événement est un concours de circonstances météorologiques (…) qui reste quelque chose d’exceptionnel. »
Jean-Daniel Jeanneret : « Des événements comme celui-ci sont violents, exceptionnels et imprévisibles. »
IMAGE : A. HENCHOZ